naient la courbe bleue du port, encadrée par la verdure des promontoires jumeaux : à droite, le rocher de Monaco couronné par la silhouette médiévale de son église et de son château ; à gauche, les terrasses et les tourelles de la maison de jeu. Au centre, les eaux de la baie étaient sillonnées par le léger va-et-vient des navires de plaisance, à travers lesquels, au beau milieu du repas, la marche majestueuse d’un grand yacht à vapeur détourna des petits pois l’attention des convives.
— Par Dieu, je crois que ce sont les Dorset qui reviennent ! s’écria Stepney.
Et lord Hubert, laissant retomber son monocle, corrobora cette exclamation :
— Oui, c’est la Sabrina.
— Déjà ?… Ils devaient passer un mois en Sicile, — fit observer Mrs. Fisher.
— Peut-être ont-ils le sentiment de l’avoir passé : il n’y a qu’un hôtel moderne dans toute l’île, — dit M. Bry avec mépris.
— C’était une idée de Ned Silverton… mais le pauvre Dorset et Lily Bart ont dû s’ennuyer affreusement…
Et, baissant la voix, Mrs. Fisher dit à Selden :
— J’espère qu’il n’y a pas eu d’histoire…
— C’est une joie, en vérité, que de revoir miss Bart, — fit lord Hubert de sa voix douce et lente.
Et Mrs. Bry ajouta ingénument :
— Je suppose que la duchesse viendra dîner avec nous, maintenant que Lily est revenue.
— La duchesse l’admire infiniment : je suis sûr qu’elle serait charmée de cette combinaison, — dit lord Hubert, avec la promptitude professionnelle de l’homme qui trouve son profit habituel à faciliter les contacts mondains.
Selden fut frappé de l’air « homme d’affaires » qu’il prit aussitôt.
— Lily a eu un succès fou ici, — continua Mrs. Fisher, s’adressant toujours, confidentiellement, à Selden. — Elle a rajeuni de dix ans : je ne l’ai jamais vue aussi belle. Lady Skiddaw l’a promenée partout à Cannes, et la princesse royale de Macédoine l’a eue chez elle, à demeure, pendant une semaine, à Cimiez… On assure que c’est une des raisons pour lesquelles Bertha cingla vers la Sicile : la princesse royale ne faisait pas