« acre et salé comme elle ». Les collines, les oiseaux, la verdure et le gazon
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Pour les hommes même, son chant subsistera comme une source éternelle d’orgueil et d’amour, et sa cendre « sera plus chaude que leur vie ». L’admirable pièce des Éblouissements, Course dans l’Azur, — qui rappelle, par le rythme et le mouvement, le Cheval de la Chanson des Rues et des Bois, — est vraiment un chant de triomphe, avec apothéose et anéantissement final dans le soleil.
Elle survivra donc dans la nature, si toutefois la nature lui survit, ce qui est moins sûr. De la nature et d’elle, laquelle souffrira le plus de la séparation fatale, laquelle doit se trouver, par sa mort, la plus dépouillée ? On ne sait trop.
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Il ne faudrait pas s’étonner que la nature s’anéantît avec le poète, car existait-elle avant lui ? N’est-ce pas sa puissance seule qui a éveillé, suscité l’univers ? Sans doute, si l’univers ne fut que la projection vivante de son rêve. Et nous voici revenus à notre point de départ. Madame de Noailles est si bien seule au monde qu’avant elle rien n’était et qu’avec elle tout doit disparaître. Chacune de ses émotions a créé son objet, chacun de ses regards a éveillé un paysage. Elle déplace, à chacun de ses pas, un univers neuf et virginal. Son désir infini entraîne avec soi, comme une planète dans sa course, une atmosphère impalpable et incessamment renouvelée de sons, d’images et de couleurs. Elle ne passera jamais deux fois dans le même lieu, puisqu’on ne vit pas deux fois le même instant. Tout prend pour elle la même importance, puisque tout est pareillement neuf et éphémère. Dans chacune de ses sensations se mêlent la joie de découvrir et la souffrance prévue de perdre. C’est par là qu’on pourrait lui trouver quelque parenté avec M. Pierre Loti, et le rapprochement se pousserait même assez loin. Le don propre de M. Pierre Loti est aussi