désir. De là l’impatience précipitée du poète ; de là son espérance haletante, ses palpitations, ses battements, de là l’effroi sacré qui emplit son âme avide et stupéfaite. On se rappelle l’épigraphe des Éblouissements. « Le cœur me bat avec plus de violence qu’aux corybantes… » L’attente est si grande qu’elle semble présager comme une présence divine :
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Les Dieux ne visiteront plus une telle âme ; ils y sont déjà passés ; ils y ont laissé leur souvenir exigeant qui décevra de tous les moments de la terre. Tous les désirs y accourront, si pressés qu’aucun n’y pourra demeurer « long et grave » ; leur violence même fera leur inconstance et leur tourbillonnante mobilité. Toute l’énergie vivante de madame de Noailles se dépense ainsi à rechercher une sorte d’ubiquité sensible. Nous la voyions tout à l’heure appeler l’amour humain quand elle a la Terre, la Nature quand elle croit saisir l’amour. On pourrait marquer de traits plus précis cette insatisfaction naturelle. Dans un jardin d’Île-de-France il lui faudra évoquer l’Orient,
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Dans un verger fleuri du mois de mai passeront comme des regrets des apparitions persanes. Il faudrait être dans le même instant Turque, Persane, Grecque, Française ; il faudrait être tout et tout sentir à la fois, et le rêve même s’y refuse. Il faudrait enfermer dans ses mains toutes les puissances, tous les bonheurs, tous les paysages, tout l’avenir et tout le passé. Et quand nous aurions tout, tout nous manquerait encore, puisque rien de ce que nous saisissons n’est éternel, puisqu’on ne vit qu’une fois, puisqu’on n’a qu’une jeunesse.
Madame de Noailles a trop de force, trop de fierté dans sa volonté de vivre pour qu’on la sente jamais triste ; mais on ne la sent jamais contente. Il y a parfois des moments de halte, de rémission ; une sorte de béatitude végétale paraît l’absorber dans la tranquillité de la terre. Mais, dans ce bien-être, elle sent l’effroi de l’atteinte plus aiguë qu’il présage, et surtout ces répits sont rares, et brefs. Bientôt la course recommence, la course infatigable et toujours déçue, l’effort déses-