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L’ŒUVRE POÉTIQUE
de
MADAME DE NOAILLES


Si familier qu’on puisse être avec l’œuvre poétique de madame de Noailles, si vivement qu’on en ait senti la beauté, on ne peut songer qu’à en donner une idée très imparfaite au lecteur qui n’en aurait pas, par lui-même, perçu le goût et la saveur. Rien n’est plus difficile que de caractériser par des mots une œuvre poétique, spécialement une œuvre lyrique, et cette difficulté s’accroît encore à mesure que le lyrisme est plus intime et plus personnel. Les mots manquent bientôt, comme ils manquent pour exprimer la beauté particulière d’une symphonie ou d’un tableau. Devant un roman, devant une pièce de théâtre, le critique a moins d’embarras : il peut conter à sa guise, discuter la vraisemblance des événements, le développement des caractères, dégager ou contrôler la thèse morale qui supporte le récit. Vis-à-vis d’un poème, la critique directe est presque impossible ; et les procédés de critique extérieure ou indirecte sont moins commodes. On en est réduit au classement, toujours hasardeux, à l’explication, toujours arbitraire quand il s’agit d’inspiration poétique, c’est-à-dire du moins explicable des faits littéraires ; on est réduit à des jugements d’ensemble, que le lecteur accepte ou conteste, mais dont les raisons secrètes ne se communiquent pas.