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ont, sans doute, les moyens de perdre un peu d’argent… et, en tout cas, je ne vais pas gaspiller le mien à les rembourser… Et maintenant laissez-moi, je vous prie : cette scène m’a été extrêmement pénible, et j’ai ma santé à ménager… Tirez les stores, s’il vous plaît ; et dites à Jennings que je ne recevrai personne, cette après-midi, excepté Grace Stepney.

Lily remonta dans sa chambre et ferma la porte à clef. Elle tremblait de terreur et de colère : le vol des Furies résonnait à ses oreilles. Elle arpentait la pièce d’un pas aveugle et irrégulier. La dernière porte de salut était close : elle se sentait enfermée avec son déshonneur…

Tout à coup sa marche désordonnée l’amena devant la pendule de la cheminée. Les aiguilles marquaient trois heures et demie, et elle se rappela que Selden devait venir à quatre heures. Elle avait eu l’intention de lui écrire pour le décommander ; mais maintenant son cœur bondissait à l’idée de le voir. N’y avait-il pas dans son amour une promesse de renfort ? Tandis qu’elle était couchée près de Gerty, la nuit précédente, elle avait songé à sa venue, et à la douceur de pleurer tant de chagrins sur sa poitrine. Il est vrai qu’elle avait espéré se libérer de ces embarras avant de se trouver en face de lui : — elle n’avait jamais sérieusement douté que Mrs. Peniston lui vînt en aide. — Elle avait bien senti, même au plus fort de son malheur, que l’amour de Selden ne pouvait être son dernier refuge ; mais ce serait si doux de se blottir, un moment, contre lui, et d’y reprendre des forces pour aller de l’avant !…

Maintenant cet amour était son unique espoir, et, comme elle était là, toute seule avec son infortune, la pensée de se confier à lui devenait aussi attirante que le cours d’une rivière pour qui songe au suicide. Le premier plongeon serait terrible… mais, après, peut-être, quelle félicité ! Elle se rappela les paroles de Gerty : « Je le connais… il vous aidera » ; et son esprit s’y raccrocha comme un malade se raccroche à une relique qui guérit… Oh ! s’il la comprenait vraiment !… s’il voulait bien l’aider à relever sa vie brisée, à lui donner quelque forme nouvelle où ne subsisterait aucune trace du passé !… Il lui avait toujours fait sentir qu’elle était digne d’une destinée meilleure, et elle n’avait jamais eu plus besoin d’une pareille consolation… À plusieurs reprises, elle recula à la pensée de