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— Aux cartes !… vous avez joué de l’argent ?… C’était donc vrai !… Quand on me l’a dit, je n’ai pas voulu y croire. Je ne vous demanderai pas si les autres horreurs dont on m’a parlé sont vraies, elles aussi : j’en ai entendu assez pour l’état de mes nerfs… Quand je pense aux exemples que vous avez eus sous les yeux dans cette maison !… Mais c’est sans doute le fruit de votre éducation étrangère : personne n’a jamais su où votre mère ramassait ses amis. Et ses dimanches étaient un scandale, je le sais…

Mrs. Peniston fit brusquement volte-face.

— Vous jouez aux cartes le dimanche ?

Lily rougit, au souvenir de certains dimanches pluvieux à Bellomont et chez les Dorset.

— Vous êtes dure pour moi, tante Julia : je n’ai jamais réellement aimé les cartes, mais une jeune fille ne veut pas avoir l’air de sermonner les gens, et on se laisse aller à imiter les autres… J’ai reçu une terrible leçon, et, si vous voulez m’aider cette fois, je vous promets…

Mrs. Peniston leva la main pour l’avertir :

— Vous n’avez pas besoin de me faire de promesses : c’est tout à fait inutile. Quand je vous ai offert mon toit, je ne me suis pas engagée à payer vos dettes de jeu.

— Tante Julia ! Vous ne voulez pas dire que vous ne viendrez pas à mon secours ?

— Je ne ferai certainement rien qui puisse donner l’impression que j’approuve votre conduite. Si vous devez réellement de l’argent à votre couturière, je la réglerai… En dehors de cela, je ne me reconnais pas l’obligation d’assumer vos dettes.

Lily s’était levée, et se tenait toute pâle et frémissante devant Mrs. Peniston. Son orgueil bouillonnait, mais l’humiliation lui arracha ce cri :

— Tante Julia, je serai déshonorée… je…

Mais elle ne put aller plus loin. Si sa tante faisait la sourde oreille à ses prétendues dettes de jeu, dans quel esprit accueillerait-elle la terrible confession de la vérité ?

— J’estime que vous êtes déshonorée, Lily… déshonorée par votre conduite bien plus que par ses résultats… Vous dites que ce sont vos amis qui vous ont entraînée à jouer aux cartes avec eux : eh bien, eux aussi, ils auront leur petite leçon. Ils