Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à de nouveaux efforts : il lui fallait trouver un chemin pour sortir de la fondrière où elle était embourbée. Ce n’était pas tant le remords que l’effroi de ses pensées matinales qui lui imposait le désir d’agir. Mais elle était inexprimablement lasse : c’était une fatigue de plus que de penser avec suite. Elle restait étendue, parcourant du regard la pauvre petite chambre avec une recrudescence de dégoût physique. L’air du dehors, parqué entre de hauts bâtiments, n’apportait nulle fraîcheur par la fenêtre ; la vapeur commençait à chanter dans les tuyaux noircis et une odeur de cuisine pénétrait par la fente de la porte.

La porte s’ouvrit, et Gerty, tout habillée et le chapeau sur la tête, entra avec une tasse de thé. Son visage semblait pâle et gonflé dans cette triste lumière, et la couleur de ses cheveux ternes se confondait avec celle de sa peau.

Elle jeta un coup d’œil timide sur Lily et lui demanda d’un ton embarrassé comment elle se sentait : Lily lui répondit avec la même contrainte, et se redressa pour boire le thé.

— Je devais être horriblement fatiguée, hier au soir ; je crois que j’ai eu une attaque de nerfs dans la voiture, — dit-elle, comme ce breuvage rendait un peu de clarté à ses pensées paresseuses.

— Vous n’étiez pas bien : je suis si contente que vous soyez venue ici ! — répliqua Gerty.

— Mais comment vais-je rentrer à la maison ?… Et tante Julia ?…

— Elle est prévenue : je lui ai téléphoné de bonne heure, et votre femme de chambre a apporté ce qu’il vous fallait… Mais ne voulez-vous pas manger quelque chose ? Je vous ai fait moi-même des œufs brouillés.

Lily n’avait pas faim ; mais le thé lui donna la force de se lever et de s’habiller sous l’œil scrutateur de sa femme de chambre. Ce lui fut un soulagement que Gerty dût sortir bien vite : elles s’embrassèrent en silence, mais sans rien témoigner des émotions de la nuit précédente.


Lily trouva Mrs. Peniston dans une grande agitation. Elle avait envoyé chercher Grace Stepney et prenait de la digitale. Lily fit face le mieux qu’elle put à l’orage de ses questions,