Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

étendue, les bras allongés à ses côtés, dans l’étroitesse immobile d’une effigie funéraire, elle sentit un tumulte de sanglots qui venait de ce souffle chaud si proche, et Lily, tendant sa main, chercha en tâtonnant celle de son amie et la retint serrée.

— Tenez-moi, Gerty, tenez-moi, ou je penserais à des choses, — gémit-elle.

Et Gerty, en silence, glissa un bras sous elle, en faisant comme un oreiller pour sa tête, de même qu’une mère fait un nid pour son enfant qui s’agite. Lily reposa tranquille dans ce creux réchauffant et sa respiration devint peu à peu lente et régulière. Sa main continuait de s’agripper à celle de Gerty comme pour écarter de mauvais rêves, mais bientôt la prise de ses doigts se relâcha, sa tête glissa plus profondément dans cet abri, et Gerty sentit qu’elle dormait.

XV


Quand Lily se réveilla, elle se trouva seule dans le lit, et la lumière hivernale éclairait la chambre.

Elle se redressa, effarée par l’aspect étranger de ce qui l’entourait ; puis la mémoire lui revint et elle regarda autour d’elle en frissonnant. Sous l’oblique et froide lumière réfléchie par le mur postérieur d’un bâtiment voisin, elle aperçut sa robe du soir et sa sortie de bal qui formaient un tas voyant sur une chaise. Une toilette ainsi ôtée est aussi peu appétissante que les restes d’un souper : Lily songea que la vigilance de sa femme de chambre, à la maison, lui avait toujours épargné la vue de pareilles incongruités. Son corps était endolori de fatigue et de la position gênée qu’elle avait eue dans le lit de Gerty. À travers son sommeil troublé, elle avait eu conscience de manquer de place pour se remuer, et le long effort qu’elle avait dû faire pour demeurer immobile lui donnait l’impression d’avoir passé la nuit en chemin de fer.

Cette sensation de malaise physique fut la première à se déclarer, puis Lily perçut une prostration mentale correspondante, une espèce d’horreur languissante, plus intolérable que le premier flot de dégoût. À la pensée de devoir s’éveiller chaque matin avec ce poids sur le cœur, son esprit harassé se haussa