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— J’ai là quelque chose que vous aimeriez peut-être à voir, miss Bart.

Elle accentua le nom d’une façon déplaisante, comme si la connaissance qu’elle en avait justifiait en partie sa présence en ce lieu. Aux oreilles de Lily l’intonation sonna comme un défi.

— Vous avez trouvé quelque chose qui m’appartient ? — dit-elle en étendant la main.

Mrs. Haffen recula :

— Oh ! un instant, je vous prie… c’est à moi aussi bien qu’à n’importe qui, je suppose…

Lily la regarda d’un air perplexe. Elle était sûre, maintenant, que l’attitude de la visiteuse était une menace ; mais, toute experte qu’elle fût en certaines matières, il n’y avait rien dans son expérience pour la préparer à saisir le sens exact de la scène actuelle. Elle sentit toutefois qu’il était urgent d’y mettre fin le plus vite possible.

— Je ne comprends pas… Si ce paquet n’est pas à moi, pourquoi m’avez-vous fait demander ?

La femme ne fut pas déconcertée par cette question : elle était évidemment prête à y répondre, mais, comme tous les gens de sa condition, elle avait besoin de faire un long retour en arrière avant de commencer. Ce fut seulement après un temps d’arrêt qu’elle répondit :

— Mon mari était portier au Benedick jusqu’au premier de ce mois ; depuis, il ne peut pas trouver d’ouvrage.

Lily garda le silence, et la femme continua :

— Il n’y a rien à nous reprocher, ni à l’un ni à l’autre : le gérant avait quelqu’un d’autre pour la place, et on nous a mis dehors, avec armes et bagages, rien que pour satisfaire sa fantaisie. J’ai fait une longue maladie, l’hiver dernier, et j’ai subi une opération qui a dévoré toutes nos économies ; et c’est bien dur pour moi et les enfants que Haffen reste si longtemps sans travail.

Alors cette femme n’était venue, après tout, que pour demander à miss Bart de trouver une place à son mari ; ou, plus probablement, pour solliciter l’intervention de la jeune fille auprès de Mrs. Peniston ?… Lily avait tout l’air d’une personne qui obtenait toujours ce qu’elle désirait : aussi était-elle