Page:Revue de Paris - 1907 - tome 6.djvu/530

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tandis que tous ses nerfs tressaillaient à l’idée de ce que Selden avait dû penser de la scène. Mais, sous la colère qu’elle éprouvait contre la perversité des choses, sous la surface légère de sa conversation avec Rosedale, une troisième préoccupation persistait : elle ne voulait pas s’en aller sans avoir essayé de découvrir la vérité au sujet de Percy Gryce. Des circonstances fortuites, ou peut-être la propre volonté de Percy les avaient tenus à l’écart l’un de l’autre depuis son brusque départ de Bellomont ; mais miss Bart était experte à profiter de l’imprévu, et les désagréables incidents de ces dernières minutes — la révélation à Selden de cette partie de son existence, justement, qu’elle désirait le plus qu’il ignorât — augmentaient son désir de trouver un abri, de se libérer d’éventualités aussi humiliantes. Toute situation un peu définie serait préférable à ce perpétuel assaut des multiples hasards, qui la maintenait dans une posture d’inconfortable qui-vive devant toutes les possibilités de la vie…

À l’intérieur de la maison, il y avait une sensation générale de départ dans l’air, comme d’un auditoire qui se prépare à sortir après que les principaux acteurs ont quitté la scène ; mais parmi les groupes encore présents Lily ne put découvrir ni Gryce ni la plus jeune miss Van Osburgh. Il lui sembla de mauvais augure que tous deux fussent absents ; et elle ravit M. Rosedale en lui proposant de faire un tour jusqu’aux serres, à l’extrémité la plus éloignée de la maison. Il y avait encore juste assez de monde dans la longue enfilade des appartements pour que leur traversée fût remarquée, et Lily avait le sentiment d’être suivie par des regards d’amusement et d’interrogation, qui ricochaient sur son indifférence comme sur le contentement de son acolyte.

Cela lui était bien égal, à ce moment-là, d’être vue en compagnie de Rosedale : toutes ses pensées étaient concentrées sur l’objet de ses recherches. Mais cet objet ne se trouvait nulle part dans les serres, et Lily, oppressée par la soudaine conviction d’un échec, rêvait au moyen de se débarrasser de son compagnon désormais inutile, lorsqu’ils rencontrèrent Mrs. Van Osburgh, rouge et épuisée, mais rayonnant de la conscience du devoir accompli.

Elle les regarda, un instant, avec l’œil bienveillant mais vide