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LA REVUE DE PARIS

incapables d’atteindre leurs guerriers, ce qui d’ailleurs reste à démontrer, on reconnaît, je pense, qu’elles marchaient plus vite que leurs convois et pouvaient ainsi, en les affamant, obtenir leur soumission.

Depuis quatre-vingts ans que nous les combattons, les Arabes n’ont guère changé leur manière de vivre ; ils ne disposent pas aujourd’hui d’autres procédés de transport que ceux dont ils se servaient au moment où les Français ont débarqué à Sidi-Ferruch. La conquête de l’Algérie nous a montré la faillite du système des garnisons fixes et a mis surabondamment en évidence que le seul moyen de venir à bout des nomades est de leur opposer des colonnes mobiles. C’est par l’introduction de cette nouvelle tactique que Bugeaud nous a assuré une supériorité définitive et a permis à ses successeurs de pacifier complètement la colonie. Plus tard la Tunisie a été occupée presque sans résistance grâce à des procédés analogues, tandis que le colonel de Négrier s’en servait contre les Oulad Sidi Cheikh. Enfin le général Lyautey a appliqué tout récemment le même principe dans le Sud-Oranais.

Lorsque je visitai cette région du Sud-Oranais en 1903, il se passait peu de soirées sans que les Marocains vinssent attaquer les sentinelles ; les assassinats étaient fréquents, l’insécurité complète : dans un des villages qui se sont formés le long de la voie ferrée, l’autorité militaire faisait éteindre les lumières immédiatement après le coucher du soleil, la plus modeste bougie pouvant attirer les balles des maraudeurs. Le premier soin du général Lyautey en prenant possession de son commandement fut de créer ce qu’on appela les groupements mobiles, composés d’un escadron de spahis, de goumiers, d’une compagnie montée de la légion, d’une compagnie de tirailleurs allégés et d’un détachement du train portant des vivres pour 6 jours. Ces colonnes ont, pendant trois ans, poursuivi sans merci les rezzou de pillards qui, bientôt et presque sans combats, ont été réduits à une impuissance complète. Aujourd’hui, non seulement notre territoire est à l’abri de toute insulte, mais les négociants français peuvent, sans s’exposer au moindre danger, aller acheter des moutons et de la laine à cent kilomètres au delà de la frontière. Il est permis de croire qu’en opérant d’une manière analogue, le