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danger dans l’aventure de maints camarades ; — du jeune Ned Silverton, par exemple, le charmant jeune homme blond, qui maintenant se pâmait abjectement d’admiration à l’ombre de Fisher, une divorcée voyante, avec des yeux et des robes aussi remarquables que les traits saillants de son cas particulier. Lily se souvenait encore du temps où le jeune Silverton s’était fourvoyé dans leur coterie avec l’air d’un Arcadien égaré qui a publié de gentils sonnets dans le journal de son collège. Depuis lors il avait cultivé son goût pour Mrs. Fisher et pour le bridge, et le bridge au moins l’avait entraîné à des dépenses qui avaient été soldées plus d’une fois par deux sœurs, vieilles filles harassées, qui gardaient précieusement les sonnets et se privaient de sucre dans leur thé pour maintenir leur chéri à flot. La situation de Ned était familière à Lily. Elle avait vu ses jolis yeux — ils renfermaient à eux seuls plus de poésie que les sonnets — passer de la surprise à l’amusement, puis de l’amusement à l’anxiété, tandis qu’il subissait le prestige du hasard, ce terrible dieu ; et elle s’effrayait de découvrir en elle-même des symptômes identiques. L’année précédente, en effet, elle s’était aperçue que ses hôtesses attendaient d’elle qu’elle prît place à la table de jeu. C’était un des impôts qu’il lui fallait payer pour leur hospitalité prolongée, et pour les toilettes et les bijoux qui venaient parfois enrichir son insuffisante garde-robe. Et, depuis qu’elle jouait régulièrement, la passion lui en était venue. Une ou deux fois, ces derniers temps, elle avait gagné une forte somme, et, au lieu de la mettre en réserve pour parer aux pertes futures, elle l’avait dépensée en robes et en joyaux, et le désir de réparer cette imprudence, joint à la griserie croissante du jeu, la conduisit à risquer des mises plus élevées à chaque nouvelle tentative. Elle cherchait à se disculper en alléguant que, dans le clan des Trenor, il fallait, si l’on jouait, jouer cher, ou passer pour pédant ou pingre ; mais elle se savait dominée par la passion du jeu, et elle savait aussi que, dans son milieu actuel, il y avait peu d’espoir d’y résister.

Ce soir, la chance lui avait été impitoyablement contraire, et la petite bourse d’or qui pendait parmi ses breloques était presque vide quand elle regagna sa chambre. Elle ouvrit l’armoire, et, sortant sa boîte à bijoux, elle chercha, sous le