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son porche de marbre et sa façade pseudo-xviiie siècle.) Quelles sont vos fenêtres ? Celles avec les stores baissés ?

— Au dernier étage, oui.

— Et ce gentil petit balcon est à vous ? Comme il doit faire frais là-haut !

Il hésita, un instant :

— Venez-y voir ! — suggéra-t-il. — Je puis vous donner une tasse de thé en un rien de temps… et vous ne rencontrerez pas de raseurs.

Son visage se colora, — elle n’avait pas encore perdu l’art de rougir au bon moment, — mais elle accepta la proposition aussi légèrement qu’elle était faite.

— Pourquoi pas ? C’est trop tentant… je cours le risque ! déclara-t-elle.

— Oh ! je ne suis pas dangereux, — fit-il sur le même ton.

À la vérité, elle ne lui avait jamais tant plu qu’en cette minute. Il savait qu’elle avait accepté sans arrière-pensée : il n’avait pas la prétention d’entrer en ligne de compte dans ses calculs ; il y avait pour lui une surprise bienfaisante, ou presque, dans la spontanéité de son consentement.

Sur le seuil, il s’arrêta, un instant, cherchant sa clef.

— Il n’y a personne ici, mais j’ai un domestique qui est censé venir le matin, et il se peut qu’il ait sorti ce qu’il faut pour le thé et qu’il se soit procuré quelque gâteau.

Il l’introduisit dans une antichambre étroite, ornée de vieilles gravures. Elle remarqua les lettres et les cartes entassées sur la table, parmi les gants et les cannes. Puis elle se trouva dans une petite bibliothèque, sombre mais riante, avec ses murs tapissés de livres, une carpette orientale, aux nuances agréablement passées, un bureau encombré, et, comme il l’avait prédit, un plateau à thé sur une table basse, auprès de la fenêtre… Une brise s’était levée, agitant les rideaux de mousseline ; elle apportait de la jardinière posée sur le balcon une fraîche senteur de réséda et de pétunia.

Lily se laissa choir avec un soupir dans un des fauteuils de cuir usé.

— Quel délice d’avoir un endroit comme cela tout à soi ! Quelle lamentable chose que d’être une femme !

Elle s’abandonnait à toutes les voluptés du spleen.