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rique et les affinités ethniques, la Russie est mieux qualifiée pour recueillir toutes les épaves d’un désastre où sa responsabilité se trouve engagée. Mais elle ne peut y réussir qu’en renonçant à une entreprise contre nature, qui ne mène pas au but visé par ses auteurs et qui, même, se retourne contre eux. Russifiée violemment, la Pologne n’est pas seulement un traquenard militaire, et, au point de vue politique, un conservatoire de formules surannées ; c’est encore et surtout une école de vice, où la Russie moderne a perpétué, développé et en partie contracté par auto-infection les tares les plus fâcheuses de sa vie publique et de sa vie privée. On ne colonise pas impunément en un si proche voisinage ; installé aux portes de Paris, un Dahomey donnerait sans doute des résultats déplaisants. Une école, la Pologne de Copernic pouvait et devait l’être pour la Russie, sous plus d’un rapport ; mais, en matière de culture intellectuelle et morale, il convenait, selon le vœu exprimé par la Douma, que les vainqueurs laissassent les vaincus à leur développement propre, et il n’est que temps de revenir à des errements plus raisonnes. La Pologne a été déjà autonome sous la domination russe ; ses mandataires nouveaux se sont prononcés pour qu’elle le fût encore ; elle le sera, ou elle demeurera ce qu’elle est : la malédiction de la Russie.


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Assurément, l’application de l’autonomie comporte de nombreuses difficultés. Les précédents historiques en constituent une. Plus large en 1815, avec la Pologne constitutionnelle d’Alexandre Ier, plus étroite avec le régime inauguré en 1861 par le marquis Wielopolski, l’expérience de l’autonomie a deux fois déjà abouti à un échec. Mais depuis un siècle, les Polonais n’ont pas laissé d’apprendre quelque chose et d’oublier davantage. Ils viennent de le prouver ; l’histoire du règne de Nicolas II est une autre expérience plus significative. En 1815, Alexandre Ier a trouvé à Varsovie un accueil des plus froids. De 1861 à 1863, Wielopolski n’a pas cessé d’y être hué. Il y a quelques années, Nicolas II, auteur du manifeste du 30 octobre, visitant la capitale polonaise et une rumeur, hélas !