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Préconisé encore par certains conservateurs russes, le retour au statu quo ante ne serait assurément pas une solution, et l’esprit répugne à admettre cette éventualité, bien que l’expérience du passé ne soit pas pour l’exclure absolument. Quant à l’état actuel de choses, il peut sans doute être mis hors de débat. En Pologne comme en Russie il répond à des nécessités que les époques révolutionnaires ont toujours et partout imposées. L’état de siège, maintenu en pleine période électorale, et les arrestations en masse, servant de corollaire aux libertés octroyées, sont regrettables ; mais les manifestes incendiaires, multipliés dans certains districts, et les bombes, éclatant à tous les carrefours, sont intolérables. Cela passera ; mais de quoi demain sera-t-il fait ? Que la majorité de la Douma veuille rester fidèle au programme adopté, on n’en saurait douter ; mais sera-t-elle maîtresse de le remplir ? La russification garde des adeptes convaincus à Saint-Pétersbourg.

Il convient de dire que, parmi les Polonais, les esprits réfléchis n’ont garde d’opposer à ce système des objections de principe, susceptibles de réfutation. Il n’est guère, sans doute, de nationalité qui ne soit faite avec la poussière d’un grand nombre de races conquises, absorbées et assimilées par l’une d’elles, au prix d’odieuses violences et de souffrances cruelles. Cela demande du temps et, ainsi que les Russes ne se font pas faute de l’observer, la Pologne n’a été précisément réduite à sa condition actuelle que pour s’être laissée surprendre, à mi-tâche, dans une opération de même genre. Maîtresse de Kiev et de Moscou, dans les première années du XVIIe siècles, elle était en voie de poloniser toutes les Russies, et il serait enfantin de prétendre que ce fût sans quelque abus de la force. Mais, précisément, c’est une question de temps, de force et de possibilité qui se trouve ici enjeu. Au XVIIIe siècles, la Russie, à son tour, s’est montrée à court de souffle ou de patience — en consentant au partage des provinces polonaises, qu’elle tenait déjà dans la main, ou presque, et la russification de celles qui font partie de son lot est une tentative absurde aujourd’hui —