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logne ne restait pas insensible à cet appel. Au sein même des éléments les plus hostiles en apparence à toute idée de conciliation, un courant se dessinait bientôt, les portant à la rencontre du mouvement rénovateur, qui arrachait le public russe aux traditions communes de haine et d’antagonisme. Un grand nombre de journaux français ont reproduit une lettre de Henri Sienkiewicz, qui a recueilli plus de 30 000 signatures et où le célèbre écrivain affirmait que tous les partis de son pays, jusqu’aux plus avancés, répudiaient toute idée séparatiste. L’ancien parti de l’entente restait isolé et impopulaire ; mais en continuant à réprouver son initiative, la masse de ses détracteurs adoptait le trait essentiel de son programme. C’est l’histoire assez commune des grandes idées politiques et de leurs protagonistes.

Restent à indiquer les causes générales de cette double évolution de la pensée russe et de la pensée polonaise, se rejoignant à travers tant de difficultés. Mieux que tout autre argument, cet exposé fera ressortir le fait qui domine la situation ainsi créée, à savoir qu’une solution amiable, amicale s’impose comme une nécessité impérieuse dans un avenir prochain.


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Pourquoi, après s’être acharnés, pendant plus d’un siècle, à opprimer ou même à exterminer la nation polonaise, les Russes en sont-ils arrivés présentement à souhaiter et même à commencer son affranchissement ?

Et pourquoi, d’autre part, après des efforts séculaires en sens contraire, les Polonais opprimés ont-ils renoncé à se séparer des oppresseurs ?

Du côté russe, il convient sans doute de mettre en ligne de compte une poussée d’élans généreux, comme les périodes révolutionnaires en produisent habituellement et comme la conscience d’un grand peuple en recèle toujours. À celui même qui écrit ces lignes il a été donné d’en recueillir, bien avant l’heure actuelle, des témoignages suggestifs.

Privé, en raison de ses opinions libérales, de la place qu’il occupait avec éclat à l’Université de Moscou, traqué en Bul-