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fections sensationnelles ont déterminé des groupements nouveaux, qui, à la réflexion, répudiaient le mot d’ordre libéral du premier jour. Un instant, les chances électorales du groupement initial semblèrent compromises. Et cependant, sans qu’aucun mot, aucun geste, aient annoncé de sa part un changement d’idée ou de sentiments, c’est ce même parti qui, sous le nom popularisé de constitutionnels-démocrates, ou cadets, devait l’emporter, et de beaucoup, devant le suffrage universel. Il est entré en vainqueur à la Douma ; il lui a imposé comme président l’homme qui, naguère, maudissait « l’oppression de la Pologne et ses instruments » ; et l’on peut dire qu’à cette heure, la cause polonaise, avec celle de tous les pays annexés, a pour représentants et pour avocats à Saint-Pétersbourg, en plus des députés qu’ils ont pu élire, l’élite intellectuelle et morale du peuple russe, convertie en majorité dans une assemblée qui va prendre sa part des pouvoirs souverains.

Entre temps, le gouvernement lui-même s’est décidé à rompre partiellement avec une politique doublement condamnée et par ses résultats et par l’opinion. Depuis plusieurs mois, les journaux polonais paraissent sans censure, non seulement à Varsovie, mais encore à Vilna, à Minsk, à Kiev, où ils n’étaient pas tolérés. Partout, dans les limites de l’ancienne Pologne, la liberté des associations politiques est devenue à peu près complète. Le rétablissement de la langue polonaise a été inauguré dans l’administration et dans les écoles. Le principe d’une autonomie plus ou moins large a reçu lui-même, en haut lieu, un commencement de consécration par le renvoi à la Douma qui a été signalé plus haut. Dans les provinces où il sévissait jusqu’à présent avec le maximum d’intensité, le système de russification à outrance a subi un désaveu significatif, par l’adoption du principe de la liberté religieuse. Pour certaines populations d’origine ruthène, l’assujettissement plus ou moins arbitraire au rite grec était le seul trait les détachant de la nationalité polonaise. Libres maintenant de suivre leurs préférences, elles les ont manifestées par des conversions en masse au catholicisme ; en pays d’empire russe, catholique et polonais demeurent des termes à peu près synonymes.

Ainsi, du côté russe, un grand pas était fait vers un rapprochement que rien, il y a un an, ne laissait espérer. La Po-