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je parlai surtout des formations d’attaque du 31 : « Vous êtes sans doute étonné, me dit l’un d’eux, des différences qui existent avec ce que vous avez pu voir chez vous en temps de paix. Nous ne l’avons pas moins été nous-mêmes, car vous savez que nos règlements sont identiques à ceux des armées européennes ; aussi avons-nous commencé par manœuvrer selon les livres, et c’est ainsi qu’on nous a fait enlever les lignes de Nanchan, le 27 mai, en une seule journée, mais au prix de quelles pertes !… Notre 3e division, qui était à gauche et ne bénéficiait pas du secours des canonnières embossées dans la baie de Kintchéou, fut décimée. Cette leçon nous profita, et grâce à l’expérience acquise, nous en sommes arrivés à aller moins vite, mais à nous couvrir davantage, comme vous avez pu vous en rendre compte l’autre jour. »

De ces conversations, ainsi que des observations recueillies sur le champ de bataille, je ne prétends tirer aucune conclusion. Je me bornerai en terminant à résumer les caractères principaux de l’offensive japonaise et à noter en quoi elle diffère ou se rapproche des théories de nos tacticiens.

Il faut remarquer, tout d’abord, qu’à Liaoyang une attaque de front en terrain découvert a réussi. L’assaillant avait bien essayé du mouvement enveloppant, préconisé par les écrivains français et allemand, mais cette tentative, exécutée le 30 août, a en somme échoué : l’occupation des positions secondaires E, F, G, n’a été d’aucun secours appréciable pour l’assaut des positions principales de la ligne. Sur ce point l’attaque du 31 paraît confirmer les prévisions des généraux Langlois et Bonnal. Mais où la tactique japonaise diffère radicalement de la leur, c’est au sujet du rôle du commandement et de l’emploi de réserves.

La rapidité de tir et, par conséquent, la puissance destructrice des armes actuelles est telle que les Japonais ont dû avant toute chose éviter de présenter au feu de l’ennemi des objectifs favorables. Aussi la faculté de manœuvrer dans la zone du feu a-t-elle été très restreinte et chaque mouvement devenait ou très lent ou très dangereux. C’est ce qui a décidé le commandement à assigner d’avance à l’artillerie des emplacements dont elle n’a pas bougé, et à indiquer dès le début du combat à toutes les fractions de l’infanterie, leur sphère d’action,