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LA REVUE DE PARIS

raient-ils redouter l’accroissement des dépenses ? Le déficit budgétaire, angoissant pour les nations d’Europe, ne sera de longtemps pour les États-Unis qu’un malaise passager.

La réélection de M. Roosevelt le 8 novembre 1904 a été un triomphe : 32 États sur 45 se sont prononcés en sa faveur, et le vote populaire lui a donné 1 200 000 voix de plus qu’à son concurrent. On n’avait jamais vu si forte majorité. Dans le Congrès, les dernières élections ont augmenté encore la majorité républicaine ; une opposition efficace ne pourrait être faite à M. Roosevelt que par les membres de son propre parti. Résolu (il en a pris l’engagement public) à refuser toute nouvelle candidature à la présidence, il a toute liberté d’action.

Deux sentiments jusqu’ici se sont combattus en lui : le sentiment réformateur et le sentiment impérialiste ; lequel l’emportera ? Une campagne contre la corruption politique soulèverait contre lui les politiciens qui en vivent. Une campagne contre les trusts liguerait toutes les forces de la ploutocratie : le seul résultat serait, peut-être, de briser le parti républicain. Dans sa politique extérieure, au contraire, M. Roosevelt pourra donner libre carrière à son activité. Ses projets d’accroissement de la marine de guerre, de protection de la marine marchande, d’aménagement des stations navales et des points d’appui pour la flotte, sont acceptés par les industriels, et particulièrement par les trusts, qui en espèrent une source fructueuse de profits. Son ardent patriotisme plaît aux foules, qui n’imaginent pas que le peuple américain puisse rencontrer une résistance qu’il serait incapable de briser. M. Roosevelt a montré qu’il se laisse volontiers entraîner dans ses discours par son ardeur naturelle. Mais il tient de ses ancêtres hollandais une prudence capable de refréner ses plus violents désirs : ses traités d’arbitrage et sa récente invitation aux puissances pour une seconde conférence de la Paix témoignent d’un sincère désir de diminuer les causes de conflits entre les peuples civilisés.

ACHILLE VIALLATE.

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