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LA PREMIÈRE PRÉSIDENCE DE M. ROOSEVELT

par le gouvernement. Cette nécessité était d’autant mieux acceptée que, depuis un quart de siècle, le peuple américain s’était accoutumé à regarder le Canal, non seulement comme un instrument économique, mais encore comme une route stratégique, qui, en cas de guerre, éviterait aux flottes américaines, obligées de passer d’un océan à l’autre, le long et dangereux voyage par le cap Horn.

Il fallait donc construire « un canal américain, en territoire américain ». Le traité Clayton-Bulwer, signé en 1850 avec l’Angleterre, s’opposant à l’exécution de ce dessein, M. Mac Kinley avait ouvert des négociations pour supprimer cet obstacle. Ce traité de 1850 stipulait qu’aucun des gouvernements contractants n’exercerait une domination exclusive sur le futur canal, et que les grandes puissances seraient appelées à garantir, conjointement avec les signataires, la neutralisation de cette voie. L’Angleterre hésitait à abroger ce traité et à abandonner la garantie collective de neutralisation. Un premier traité, signé par le président Mac Kinley, fut repoussé par le Sénat. Le 18 novembre 1901, M. Roosevelt obtint toute satisfaction par le fameux accord Hay-Pauncefote. Il restait à obtenir de la Colombie les droits de quasi souveraineté sur le territoire où le Canal devait être construit. Le traité du 22 janvier 1903 donnait aux États-Unis, en échange de concessions pécuniaires, le territoire qu’ils désiraient. Les États-Unis recevaient le droit de racheter à la Compagnie française et d’achever eux-mêmes le Canal, avec le droit de l’exploiter pendant cent ans.

Le bail était renouvelable indéfiniment, à leur option unique.

La Colombie, tout en conservant la suzeraineté nominale, abandonnait en fait l’exercice de ses droits souverains, et permettait aux États-Unis l’intervention la plus étendue pour assurer la sécurité du Canal. Le Sénat américain avait ratifié ce traité sans y apporter aucune modification ; mais le Sénat de Colombie, après une longue discussion, refusa d’y donner son consentement. Les sénateurs colombiens s’abritaient derrière l’opinion publique qui condamnait cet abandon déguisé ; ils laissaient entendre cependant qu’ils passeraient outre, si les États-Unis augmentaient leurs concessions pécuniaires.