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LETTRES DE SAINTE-BEUVE

dernières fois ou ailleurs. Vous seriez bien bon de me dire un de ces jours de la semaine prochaine où vous pensiez être libre. Moi, je le serai toujours.

Tout à vous de cœur.

Sainte-Beuve

Je présente mes respects à madame Hugo.

Victor Hugo répond :

« 27 novembre [1833].

» Le jour que vous voudrez, mon ami, dimanche excepté. Indiquez-moi le jour seulement deux ou trois jours d’avance, et l’heure précise, et le lieu où je vous trouverai. Je serai heureux de vous voir et de causer avec vous. Je m’abriterai près de votre amitié pendant quelques instants.

» Victor Hugo.

» Renduel vous a-t-il remis votre Marie Tudor ? »

***

En janvier 1834, Victor Hugo publia son Étude sur Mirabeau, et Sainte-Beuve en rendit compte. Son article était tout plein d’éloges pour la beauté de la forme et l’élévation des idées mais, obéissant, malgré lui, sans doute, à sa pensée secrète, il y laissait échapper certaines appréciations peu bienveillantes, non pour le génie de l’écrivain, mais pour le caractère de l’homme : c’était l’article d’un admirateur, ce n’était pas l’article d’un ami. Victor Hugo sentit dans son cœur la nuance ; il en fut, non pas choqué, mais affligé. Comme on ne lui reprochera pas, à lui, dans toute cette correspondance, d’avoir jamais manqué de franchise, il voulut s’en ouvrir sur-le-champ à Sainte-Beuve, et il lui écrivit :


« [4 février 1833].


» Mon ami,

» Il faut être bien sûr des droits que donne une amitié comme la nôtre pour vous écrire ce que j’ai sur le cœur en ce moment. Mais j’aime encore mieux cela que le silence qui se peut mal interpréter. J’ai lu votre article, qui est un des meilleurs que vous ayez jamais écrits, et il m’en est resté, comme de notre conversation de l’autre jour chez Güttinguer, une impression pénible dont il faut que je vous parle. J’y ai trouvé, mon pauvre ami (et nous sommes deux à