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LA RÉFORME TUNISIENNE

merce ni l’Agriculture ». Ces protestations étaient inspirées par une crainte qui pouvait, à la rigueur, n’être pas absolument vaine. Il était possible, en effet, que, blessé de l’hostilité dédaigneuse qu’on lui témoignait, le Troisième Collège ripostât en abusant de son énorme supériorité numérique pour écraser ses adversaires et les priver de toute représentation. Aussi des esprits conciliants et avisés proposèrent-ils une transaction. La Dépêche Tunisienne exposa, le 12 décembre 1903, un projet qui, consacrant le principe de l’élection directe et supprimant le particularisme des trois collèges, conservait cependant les catégories d’éligibles et réservait à l’Agriculture, au Commerce et au Troisième Collège un tiers des sièges pour chacun.

Il est regrettable que cet expédient si conciliant et si sage, suggéré, dit-on, et en tout cas approuvé par le Résident, n’ait pas aussitôt réuni l’assentiment de tous les intéressés. Il eût mis fin à une situation de malaise. Mais les intérêts froissés ont plus de ténacité que de clairvoyance. Les représentants actuels de l’Agriculture et du Commerce jouissent d’une sorte d’inamovibilité qui pourrait être menacée si la masse des électeurs leur préférait d’autres éligibles de la même catégorie. Aussi, pendant que tous les groupes du Troisième Collège acceptaient cette solution et que la fraction la moins intransigeante du Commerce s’y résignait, les « agrariens » s’y déclarèrent résolument hostiles. Une partie des commerçants suivit leur exemple. Le 18 décembre 1903, la Chambre d’Agriculture, réunie par convocation spéciale, vota un ordre du jour par lequel « elle se refusait à admettre que la représentation des intérêts agricoles au sein de la Conférence fût livrée à la merci d’électeurs étrangers à ces intérêts ».

Cette procédure et cette déclaration donnaient au différend son véritable caractère. L’Agriculture prenait officiellement position, posait en principe sa qualité d’ordre distinct, délibérant et agissant par l’intermédiaire d’une Assemblée à peu près indépendante, laquelle se convoquait spontanément, négociait et, au besoin, entrait en lutte avec le Gouvernement comme l’avait fait autrefois la Chambre de commerce contre M. Cambon, comme l’avait fait récemment la Chambre d’Agriculture contre M. Millet. Aussitôt voté, l’ordre du