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LA RÉFORME TUNISIENNE

colonie, une aristocratie musulmane. Aussi la lutte fut-elle très vive et le Protectorat en pâtit, car, dans ces querelles entre la Colonie et le Résident, c’est toujours le Protectorat qui paie les fautes. Les incidents pittoresques, mais peu diplomatiques, dont s’égayèrent les solennités de l’inauguration du monument de Jules Ferry, n’étaient point pour relever le prestige de l’institution. Ce ne fut pas une aventure banale que celle des ministres venus tout exprès de France pour recevoir, à bout portant, dans les harangues officielles et publiques, l’expression franche mais peu ménagée d’un intense mécontentement et pour assister, le même jour, devant toute la population tunisienne – qui semblait y prendre beaucoup de plaisir – à l’échange entre le Résident et la Chambre d’Agriculture d’une volée de « ces bons coups de poing qui entretiennent l’amitié », selon l’expression par laquelle M. Millet lui-même, au cours de cette cérémonie, caractérisa la conversation. Ces compétitions, ces disputes de personnes jetèrent le désarroi dans le pays. Comme on se battait principalement sur des questions d’amour-propre, les rancunes devenaient féroces. Si bien qu’après le départ de M. Millet, il fallut six mois d’un intérim purement administratif, six mois d’un gouvernement neutre et volontairement effacé pour laisser tomber toutes les agitations, s’apaiser toutes les colères.

Aujourd’hui, le calme est revenu. Les questions irritantes — prestations, cautionnement des journaux, etc., — sont résolues. Entre la colonie et le Résident, les relations normales se sont rétablies avec, en plus, une nuance de cordialité. Reste à résoudre ce qu’on peut appeler « la question constitutionnelle », c’est-à-dire la composition de la Conférence consultative, son mode d’élection, son fonctionnement.



Le vice flagrant du système actuel, c’est que tous les suffrages n’ont pas la même valeur. Si l’on calcule la puissance électorale de chaque suffrage en divisant le nombre des élus par celui des électeurs, on trouve que le vote d’un agriculteur