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LA REVUE DE PARIS

pour la marine, il y serait entré à cette époque et jamais il n’aurait été Napoléon.

L’année suivante (1785), je demandais des lettres d’examen et j’aurais présenté les quatre premiers volumes du Bossut. Mais je ne pus les obtenir, parce que je n’avais pas quinze ans ; au fait j’aurais fait un mauvais examen, je n’étais pas assez fort. En 1786 je fus examiné : je présentai les cinq volumes et je fus classé le quatorzième parmi les refusés. En 1787 il n’y eut pas d’examen ; à celui de 1788 je fus le troisième refusé : comme on avait reçu dix élèves j’avais gagné une place ; en 1789 et 1790 il n’y eut pas d’examen, mais en 1791 il y en eut un pour remplacer les officiers émigrés, et je fus reçu le cinquième sur la liste qui se montait à vingt individus ; mais j’empiète ici sur les événements.

À notre arrivée à l’École militaire, nos nouveaux camarades se hâtèrent de nous raconter l’événement du jeune homme qui, l’été précédent, avait voulu s’enlever dans le ballon de Blanchard[1]. L’anecdote est connue, mais comme on l’a prêtée à Bonaparte, je n’en parle ici que pour dire que le héros de l’aventure fut un nommé Dupont, espèce d’écervelé, qui fut placé immédiatement après dans le régiment de Touraine, où il a fait bien des sottises. On m’a dit que, depuis la Révolution, il était devenu commissaire des guerres et qu’il a été aussi posé et aussi froid que dans sa jeunesse il avait été inquiet et turbulent.

L’École militaire de Paris était un établissement magnifique ; on sait qu’elle fut bâtie des fonds des frères Paris Duvernois, et que Louis XV l’avait originairement dotée des revenus de la Loterie et de l’impôt sur les cartes à jouer. Elle avait d’abord été conçue sur un plan plus vaste, et devait comprendre une École d’application du génie, de l’artillerie et de la marine.

Alors une grande partie du Champ-de-Mars aurait été entourée de bâtiments et on aurait creusé un bassin capable de recevoir un bâtiment de guerre, pour apprendre la manœuvre aux élèves. Il n’y a pas de doute que la dotation de

  1. On disait que Bonaparte, l’épée à la main, avait voulu escalader la nacelle du ballon