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LETTRES DE SAINTE-BEUVE

à Victor Hugo d’être toujours là quand Sainte-Beuve la viendrait voir. L’aveu, dont Victor Hugo fut touché, n’était pas fait cependant pour calmer ses inquiétudes.

Ils en étaient là quand arriva de Liège à Sainte-Beuve une offre de venir pour un temps dans cette ville. On ne sait de quelle nature était cette offre ; il est probable qu’il s’agissait d’un cours de littérature à l’Université, comme celui qu’il fit à Liège même en 1848. Le certain, c’est qu’il n’était pas question d’un simple voyage, mais d’un séjour assez prolongé. Sainte-Beuve n’était toujours pas riche et la proposition avait ses avantages. Il en parla à ses amis  : Victor Hugo l’engagea fort à accepter. Il en parla aussi, soit de vive voix, soit par lettre, à madame Victor Hugo. Il est à supposer qu’elle vit là une issue pour sortir elle-même de la situation cruelle où elle était prise, entre ces deux hommes qui s’aimaient, qu’elle aimait, et qui étaient devenus des rivaux ; il est à supposer qu’au nom de son repos elle adjura Sainte-Beuve de lui faire ce sacrifice : Sainte-Beuve accepta l’offre de Liège.

Il est inutile de dire ce que cette résolution dut causer à Victor Hugo de soulagement et de joie : un homme ne s’éloigne de la femme qu’il aime, ni lorsqu’il est un amant heureux, ni même lorsqu’il espère le devenir. Madame Victor Hugo en eut aussi le cœur allégé après ces jours d’orage, elle pourrait donc respirer. On était alors à la fin de juin ; c’était l’époque où Victor Hugo et sa famille allaient passer dea semaines chez les Bertin : on fit ses adieux à Sainte-Beuve, on partit pour les Roches.

Sainte-Beuve, resté pour quelques jours à Paris, écrivit à Victor Hugo ce billet[1] :


Ce mercredi [30 juin 1831].

Mon cher Victor,

Je suis en train de faire votre biographie que je dois donner à l’imprimerie samedi ; après quoi, je partirai sans vous revoir peut-être à votre retour. Comment êtes-vous ? Comment est Madame ? J’espère que vous allez bien tous les deux et que vos douleurs de tête vous ont laissé en même temps que le bruit de Paris. Dites, seriez-vous assez bon pour m’écrire les quatre ou cinq premiers vers que M. François de Neufchateau vous adressa après votre concours sur les avantages de

  1. Adressé à « Monsieur Victor Hugo, chez Monsieur Bertin, aux Roches, près Bièvre » :