puis que m’affliger, regretter le passé, vous saluer du geste et m’aller cacher je ne sais où ; Bonaparte consul m’était bien plus sympathique que Napoléon empereur. – Il m’est impossible maintenant de penser cinq minutes à Hernani, sans que toutes ces tristes idées ne s’élèvent en foule dans mon esprit ; sans penser à cette voie de luttes et de concessions éternelles où vous vous engagez ; à votre chasteté lyrique compromise ; à la tactique obligée qui va présider à toutes vos démarches, aux sales gens que vous devrez voir, auxquels il vous faudra serrer la main. – Je ne vous dis pas tout ceci pour vous détourner car les esprits comme le vôtre, sont inébranlables, doivent l’être ; car ils ont leur vocation marquée. Je ne vous le dis que pour moi, pour vous expliquer mon silence, non interprété, et mon inutilité. Le seul article que je puisse faire sur Hernani, c’est mon livre des Consolations qui paraîtra dans quatre ou cinq jours. Acceptez-le comme expiation, comme excuse de ce que je vous refuse aujourd’hui.
Cette comparaison de Napoléon me revient ; oui, je crois que, comme lui, vous tentez une entreprise impossible, en ce sens que tout l’Empire était en lui et que tout l’art (dramatique) sera en vous. Vous aurez Austerlitz, Iéna ; peut-être même qu’Hernani est déjà Austerlitz ; mais quand vous serez à bout, l’art retombera ; votre héritage sera vacant ; et vous n’aurez été qu’un brillant et sublime épisode qui aura surtout étonné les contemporains. Napoléon devait venir du temps de Mahomet ; vous deviez venir au temps du Dante. Entre des facultés aussi gigantesques et un temps comme le nôtre, il n’y a pas harmonie.
Déchirez, oubliez tout ceci. Que cette lettre ne soit pas un souci de plus dans vos soucis sans nombre. Mais j’avais besoin de vous l’écrire, puisqu’on ne peut plus vous parler seul à seul et que votre foyer est comme dévasté.
- Votre inviolable et triste
Et madame ? Et celle dont le nom ne devrait retentir sur votre lyre que quand on écouterait vos chants à genoux, celle-