Page:Revue de Paris - 1904 - tome 6.djvu/759

Cette page a été validée par deux contributeurs.
759
LETTRES DE SAINTE-BEUVE

Moi, je travaille peu, et même pas, à vrai dire. Je vais, je regarde, je m’inquiète des petits détails du voyage, ce dont ces messieurs me raillent comme une commère ; je pense fort à vous, à votre excellente femme, à votre société ; un mot de vous à Reims me consolera et me fera prendre patience. Où en êtes-vous là-bas ? Je n’ai pas lu de journal depuis Paris ; mais j’ai entrevu un article de Latouche, qui fera que je n’écrirai de ma vie une seule ligne dans la Revue de Paris : un homme qui se respecte ne remet pas les pieds dans un salon, ou même dans un café, où s’est installé un insulteur. Nous avons entrevu aussi une manigance de Janin, Soulié et le susdit Latouche : les misérables ! N’y pensez pas et passez-leur sur le ventre en char. Othello ? Hernani ? et son puîné ? Mille amitiés au bon Paul à qui j’écrirai, à Guttinguer qui, j’espère, ne nous oublie pas, à Fouinet, Fontaney, de Musset et nos amis. Que dit Planche et s’occupe-t-il toujours de mademoiselle Taglioni ? Nous parlons de lui quelquefois. Mes respects à M. Foucher, et mes amitiés bien vives et respectueuses aux pieds de cette bonne madame Hugo. Mes deux amis se joignent à moi.

Adieu et au revoir bientôt, mon cher et grand Victor,

Sainte-Beuve


Cologne, lundi 2 novembre 1829.

Mon cher Victor, nous voici arrivés à Cologne aussi sûrement que les trois Rois, et il est temps qu’aux lettres de désappointement que je vous ai écrites, j’en fasse succéder une de glorification et de Magnificat. Boulanger vous a dit notre impression sur Francfort ; Mayence, quand nous y sommes repassés, a été au delà de notre attente ; la cathédrale de structure romane avec des additions gothiques, et des bas-reliefs et des figures d’évêques du Moyen âge, de la Renaissance, admirables. Boulanger et Robelin ont travaillé beaucoup. À Mayence, pendant que nous y étions, a passé Vitet, qui revenait des Pays-Bas, de Cologne et allait à Francfort ; il visite aussi les églises, avec beaucoup de soin et de sagacité, mais dans un but historique, critique, plutôt qu’esthétique ; il