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LA REVUE DE PARIS

yeux de penser que ma vie touche si fort à la vôtre ; autrement j’aurais trop grand mépris de moi, et de mon âme qui trempe dans l’eau comme ces peupliers qu’abhorre Boulanger, et qui ont grêle et blanc feuillage ployant à tous vents. Tout ceci est pour vous, mon cher Victor, et pour madame Victor qui n’est pas séparée de vous dans mon esprit : dites-lui combien je la regrette et que je lui écrirai de Besançon, et tâchez du sein de votre bonheur et de votre gloire d’avoir quelques pensées pour nous. Travaillez à votre nouveau drame, mais surtout soignez votre santé ; elle est à nous tous et à bien d’autres encore arrêtez-vous dès que les entrailles vous le disent. Je travaillerai probablement très peu, et peut-être pas du tout, je n’ai rien dans l’esprit et dans l’âme que de vous aimer. Boulanger et Robelin vous rapporteront d’admirables croquis ; ils ne perdent pas un moment ni une occasion.

Adieu, tâchez de me lire, je vous écris debout ; je serai plus lisible quand j’écrirai à madame Hugo. Je vous récrirai de Besançon, et vous dirai où vous pourrez nous donner de vos nouvelles.

Boulanger et moi avons été bien heureux des marques de souvenir de madame Hugo et des deux portefeuilles.

Adieu, mon cher Victor, mille amitiés à nos amis, Paul, Guttinguer, Musset, Fouinet.

Votre tout dévoué,
Sainte-Beuve

Je tâcherai de trouver M. Brugnot aujourd’hui.

Besançon, 16 octobre 1829.
Madame,

Vous avez bien voulu me permettre de vous écrire et c’est une des plus grandes joies de notre voyage, qui, jusqu’ici comme tous les voyages humains, a été fort tempéré de contrariétés. Nous sommes depuis trois jours à Besançon qui nous semble une ville détestable, toute pleine de fonctionnaires, administrative, militaire et séminariste. Robelin y est arrêté par des affaires, et nous regrettons que ces affaires ne