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LA REVUE DE PARIS
À DEUX ABSENTS


Couple heureux et brillant, vous qui m’avez admis
Dès longtemps comme un hôte à vos foyers amis,
Qui m’avez laissé voir, en votre destinée
Triomphante, et d’éclat partout environnée,
Le cours intérieur de vos félicités,
Voici deux jours bientôt que je vous ai quittés ;
Deux jours, que seul, et l’âme en caprices ravie,
Loin de vous dans les bois j’essaie un peu la vie ;
Et déjà sous ces bois et dans mon vert sentier
J’ai senti que mon cœur n’était pas tout entier.
J’ai senti que vers vous il revenait fidèle
Comme au pignon chéri revient une hirondelle,
Comme un esquif au bord qu’il a longtemps gardé ;
Et, timide, en secret, je me suis demandé
Si, durant ces deux jours, tandis qu’à vous je pense,
Vous auriez seulement remarqué mon absence.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Êtres chers, objets purs de mon culte immortel ;
Oh ! dussiez-vous de loin, si mon destin m’entraîne,
M’oublier, ou de près m’apercevoir à peine,
Ailleurs, ici, toujours, vous serez tout pour moi ;
– Couple heureux et brillant, je ne vis plus qu’en toi.
Saint-Maur, août 1829.


Au commencement d’octobre, Robelin, appelé à Besançon pour une affaire importante, proposa à Sainte-Beuve et à Boulanger de faire avec lui le voyage ; on s’arrêterait à Dijon et on pourrait revenir par Strasbourg : on verrait la cathédrale de Strasbourg ! La tentation était forte, ils y cédèrent. Avant de quitter Paris, ils eurent une joie : Victor Hugo leur lut Hernani, qu’il venait d’achever, et ils partirent enchantés de ce drame.

De Dijon, Sainte-Beuve écrit à Victor Hugo ; de Besançon, il écrit à madame Victor Hugo, – et sa lettre continue les Consolations :


[13 octobre 1829.]
Dijon, dimanche matin.
Mon cher Victor,

Notre première pensée à tous trois est ici pour vous ; nous avons bien parlé de vous pendant le voyage, et hier à dîner vous et madame Hugo ont été pour beaucoup dans ce plaisir qu’on éprouve à être trois amis dînant à dix heures du soir après deux mauvaises nuits et journées en diligence. Nous