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d’après des témoignages certains, on suppose qu’il a pris la route de Port-Stowe. Vous voyez que nous sommes parfaitement dans la zone. Ce ne sont pas là des tours de charlatan. Pensez un peu à tout ce qu’il pourrait faire ! Que deviendriez-vous, s’il buvait un coup de trop et s’il lui prenait fantaisie de vous tomber dessus ? Supposez qu’il veuille voler : qui pourrait l’en empêcher ? Il peut entrer, il peut forcer les serrures, il peut passer à travers un cordon de policemen aussi facilement que vous et moi nous pouvons fausser compagnie à un aveugle. Plus facilement encore : car les aveugles, à ce qu’on m’a dit, ont l’ouïe extrêmement fine…

— Il a un terrible avantage, certainement ! opina M. Marvel. Et alors…

— Oh ! oui, un avantage !…

Pendant ce temps-là, M. Marvel n’avait cessé de regarder autour de lui, tendant l’oreille aux plus légers bruits, s’efforçant de percevoir des mouvements imperceptibles. Il parut sur le point de prendre une grande résolution. Il toussa derrière sa main ; il guetta de nouveau alentour, prêta l’oreille, se pencha vers le marin et, baissant la voix :

— Il m’est arrivé par hasard de connaître, au sujet de l’homme invisible, un ou deux détails. Cela, de source particulière.

— Allons donc ! vous ?

— Oui, moi.

— Vraiment ? Et puis-je vous demander ?…

— Vous serez étonné, — dit Marvel derrière sa main. — C’est une chose terrible.

— Vraiment !

— Hélas ! oui, — commença Marvel avec empressement, sur le ton de la confidence.

Tout à coup, sa physionomie changea :

— Oh ! fit-il, en se redressant avec raideur sur son siège. Et sa figure exprima clairement une douleur physique.

— Oh ! dit-il encore.

— Qu’est-ce qu’il y a ? fit le marin, très intéressé.

— J’ai mal aux dents ! répondit Marvel en portant la main à son oreille.

Il reprit ses livres et prétendit qu’il était obligé de conti-