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— Mais je n’essayais pas de vous lâcher ! — répondit Marvel, d’un ton où l’on sentait que les larmes étaient proches. — Je ne connaissais pas ce satané tournant, et voilà tout ! Comment diable l’aurais-je connu, ce tournant ? La vérité vraie, c’est qu’on m’a bousculé…

— Je vous bousculerai bien davantage, si vous ne prenez pas garde !

M. Marvel redevint soudain silencieux. Il enfla les joues, et ses yeux eurent l’éloquence du désespoir.

— C’est déjà bien assez de laisser ces rustres-là toucher à mon petit secret, sans que vous filiez avec mes ouvrages. Il est heureux pour quelques-uns de ces lourdauds d’avoir fui, d’avoir couru comme ils l’ont fait. Ici, je suis… Personne ne me savait invisible. Et maintenant, qu’est-ce que je vais faire ?

— Et moi, donc ? demanda Marvel entre ses dents.

— Tout est perdu. L’histoire va être dans les journaux. Tout le monde me guettera. Tout le monde sera en éveil.

Ce discours se continua par des imprécations violentes, puis la voix se tut. Le désespoir s’aggrava sur le visage de M. Marvel, et son pas se ralentit.

— Avancez donc !

La face du pauvre Marvel prit une teinte grise entre deux taches rouges.

— Tenez bien ces livres, imbécile ! — fit la voix avec rudesse. — Le fait est que j’aurai à me servir de vous… Vous êtes un pauvre instrument, mais quoi ! faute de mieux, il faut que je m’en serve.

— Oh ! je suis un instrument misérable ! gémit Marvel.

— Oui, certes !

— Je suis bien le plus mauvais instrument que vous puissiez avoir… car je ne suis pas fort, — ajouta-t-il après un silence découragé, — je ne suis pas bien fort.

— Vraiment ?

— Puis, je défaille. Cette petite affaire, mon Dieu, je m’en suis tiré, sans doute ; mais, faites excuse, j’aurais pu avoir le dessous.

— Vous dites ?