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Bunting regarda la figure de Cuss, alors toute rapprochée de la sienne : il y vit le reflet de sa propre épouvante.

— Je suis fâché de vous traiter avec rudesse, — reprit la voix ; — mais je ne peux pas faire autrement… Depuis quand avez-vous appris à fureter dans les notes secrètes d’un savant ?

Deux mentons heurtèrent la table en même temps, et deux mâchoires claquèrent.

— Depuis quand avez-vous appris à envahir le domicile privé d’un homme dans le malheur ?

Et le choc se renouvela.

— Où a-t-on mis mes vêtements ?… Écoutez ! la fenêtre est fermée, et j’ai pris la clef de la porte. Je suis passablement fort, et j’ai le tisonnier sous la main… et je suis invisible. Il n’y a pas à en douter, je pourrais vous tuer tous les deux et, si je le voulais, m’en aller le plus facilement du monde. M’entendez-vous ? Parfaitement. Eh bien, si je vous laisse aller, me promettez-vous de ne pas faire de bêtises et d’exécuter ce que je vous dirai ?

Le pasteur et le médecin se regardèrent l’un l’autre, et le docteur fit la grimace.

— Oui, dit M. Bunting.

Et le docteur répéta :

— Oui !

Alors leur cou échappa à l’étreinte ; ils se redressèrent, la figure très rouge, faisant aller leur tête de droite à gauche et de gauche à droite.

— Veuillez rester assis où vous êtes, — dit l’homme invisible. J’ai là le tisonnier, vous savez… — Quand je suis entré dans cette pièce, — poursuivit-il après avoir mis le tisonnier sous le nez de chacun de ses visiteurs, — je ne m’attendais pas à la trouver occupée ; et je m’attendais, par contre, à trouver, avec mes livres de notes, toute ma garde-robe… Où est ma garde-robe ?… Non, ne vous levez pas. Je vois très bien qu’elle n’est plus ici. Or, en ce moment, quoique les journées soient assez chaudes pour qu’un homme invisible puisse aller et venir, les soirées sont froides : j’ai besoin de vêtements et de quelques autres petites choses. Il me faut aussi ces trois livres.