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vit l’homme, juste devant lui, bondir avec agilité vers l’angle de l’église, dans la direction des dunes ; il le vit dépasser les drapeaux et les oriflammes du village en fête : deux ou trois figures seulement s’étaient tournées vers lui. De nouveau M. Huxter brailla : « Arrêtez-le !… Au voleur !… » et le pourchassa vaillamment. Mais il n’avait pas fait dix enjambées que sa cheville fut saisie par une étreinte mystérieuse : il ne courut plus, il fendit l’espace avec une incroyable rapidité ; soudain sa tête se rapprocha du sol, et, du monde, il ne vit plus que trente-six chandelles, indifférent dès lors à tout ce qui pouvait arriver.


XI

DANS L’AUBERGE


Pour bien comprendre ce qui s’était passé dans l’auberge, il faut revenir en arrière jusqu’au moment où M. Marvel fut aperçu de M. Huxter, par sa fenêtre.

À ce moment précis, M. Cuss et M. Bunting se trouvaient dans le salon. Ils en étaient à passer sérieusement en revue les événements bizarres de la matinée et, avec la permission de M. Hall, ils se livraient à un examen minutieux des affaires de l’homme invisible. Jaffers était à peu près remis de sa chute ; il était rentré chez lui, aidé par ses amis. Les vêtements éparpillés de l’étranger avaient été enlevés par Mme Hall ; on avait remis en ordre la chambre à coucher. Sur la table, devant la fenêtre où l’étranger avait ordinairement travaillé, Cuss avait trouvé trois gros livres manuscrits intitulés Journal.

Journal ! — répéta Cuss, en s’asseyant et en plaçant deux des volumes de manière à supporter le troisième, qu’il ouvrit. — Hem ! pas de nom sur la feuille de garde ; c’est ennuyeux !… Des chiffres… Et des figures…

Le pasteur vint regarder par-dessus son épaule. Cuss tourna les pages, le visage subitement désappointé.

— Sapristi ! rien que des chiffres, Bunting.