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— Seigneur ! gémit de nouveau Marvel. Je suis tout étourdi. Puis-je vous adresser une question ? Comment se fait-il ?… Qu’est-ce que vous pouvez bien, vous, invisible, me demander comme secours ?

— Je vous prie de m’aider à trouver des vêtements, un abri, les autres choses indispensables. J’ai abandonné tout ce qui était à moi… Si vous ne voulez pas, soit !… Mais vous m’aiderez, il le faut.

— Je suis trop abasourdi, fit Marvel. Ne me bouleversez pas davantage. Laissez-moi. Il faut que je reprenne un peu de calme. Vous m’avez à peu près écrasé un orteil… Tout cela est insensé ! Personne sur la dune. Rien là-haut ! Rien de visible à plusieurs milles, que la nature ! Voilà qu’une voix arrive à mon oreille, une voix venant du ciel, puis des pierres, puis un coup de poing… Mon Dieu !

— Rassemblez vos esprits, car il faut absolument faire la besogne que je vous ai assignée.

M. Marvel enfla ses joues ; ses yeux devinrent tout ronds.

— Oui, je vous ai choisi, insista la voix. Vous êtes le seul être, exception faite des quelques imbéciles de là-bas, qui sache l’existence de cette chose invraisemblable : un homme invisible. Il faut que vous m’assistiez. Aidez-moi, je ferai pour vous ce que je pourrai : un homme invisible est un homme puissant.

Il s’interrompit pour éternuer bruyamment.

— Mais si vous me trahissez, si vous négligez de suivre mes instructions…

Il fit une pause et frappa vigoureusement sur l’épaule de M. Marvel.

Celui-ci poussa un gémissement de terreur et, s’éloignant du poing redoutable :

— Je n’ai pas l’intention de vous trahir. N’allez pas croire cela. Quoi que vous fassiez, je désire vous aider. Seulement, dites-moi ce que j’aurai à faire… Seigneur !… Tout ce que vous voudrez, je suis disposé à le faire.

H. G. WELLS
Traduit de l’anglais par A. Laurent.

(À suivre.)