— Je suis un être humain, solide, ayant besoin de nourriture, de boissons, de vêtements. Mais je suis invisible. Y êtes-vous ? Invisible ! invisible !
— Quoi ? vraiment ?
— Oui, un être très réel.
— Alors, dit Marvel, donnez-moi une de vos mains, si vous êtes réel. Je ne suis pas un loqueteux si bizarre que vous ne puissiez… Seigneur ! — ajouta-t-il, — vous me faites sauter, en me serrant ainsi !
Une fois ses doigts dégagés, il palpa la main qui avait étreint son poignet, il suivit timidement le bras, il tapota une forte poitrine, il reconnut une figure à barbe — avec quel étonnement !
— Je suis confondu ! C’est incroyable ! Alors, à un mille de distance, je pourrais voir un lapin à travers vous ! Il n’y a pas un bout de votre personne qui soit visible, sauf…
Et il scrutait attentivement l’espace vide en apparence.
— N’avez-vous pas mangé récemment du pain et du fromage ? demanda-t-il.
— Oui, vous avez raison : cela ne s’est pas encore assimilé.
— Ah ! voilà qui est vraiment surnaturel !
— Tout cela n’est pas aussi effrayant que vous le croyez.
— Ça l’est déjà bien assez pour moi… Il ne m’en faut pas tant !… Mais comment vous y êtes-vous pris ? Comment diable cela se fait-il ?
— C’est une trop longue histoire. Et d’ailleurs…
— Je vous le répète, tout cela est prodigieux !
— Écoutez ce que j’ai à vous dire. J’ai besoin d’aide. Je vous ai rencontré. Je suis tombé sur vous, à l’improviste. J’étais égaré, fou de rage, nu, impuissant… J’aurais commis un meurtre… Et je vous ai vu…
— Seigneur !
— Je me suis approché de vous, j’ai hésité, j’ai poursuivi ma route.
La physionomie de Marvel exprimait la terreur.
— Puis, je me suis arrêté. « C’est, me suis-je dit, un pauvre diable, comme moi-même. C’est l’homme qu’il me faut. » Alors, je me suis ravisé, je suis venu à vous, et…