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imperceptible. La stupeur l’empêcha de s’esquiver. Une troisième pierre fendit l’air, ricocha sur un de ses orteils nus dans le fossé. M. Thomas Marvel sauta à cloche-pied et hurla bien fort. Il voulut courir, trébucha contre un obstacle qu’il ne voyait point et, ayant fait une culbute, se retrouva assis par terre.

— À présent, — continua la voix, tandis qu’une dernière pierre, décrivant une courbe dans l’air, restait suspendue au-dessus du chemineau, — suis-je encore une hallucination ?

M. Thomas Marvel, pour toute réponse, essaya de reprendre son équilibre : roulé de nouveau, il se tint immobile une minute.

— Si vous faites un mouvement, ce caillou vous casse la tête.

– C’est une belle action ! — fit M. Thomas Marvel, assis, tenant dans sa main son pied blessé et levant les yeux sur le dernier projectile. — Je n’y comprends rien. Des pierres qui volent toutes seules ! Des pierres qui parlent ! Descendez donc, allons, vite. Je me rends.

La pierre tomba.

— C’est bien simple. Je suis un homme invisible.

— Dites-moi quelque chose, — répondit M. Thomas Marvel, haletant : — où êtes-vous caché ? Comment avez-vous fait ? Je l’ignore…

— Je suis invisible. C’est tout. Voilà ce que je vous prie de comprendre…

— Personne ne pourra croire cela !… Vous n’avez pas besoin, monsieur, d’être furieusement impatient. Voyons, donnez-nous-en une idée : comment êtes-vous caché ?

— Je suis invisible, c’est le grand point. Et voilà ce que je vous prie de comprendre…

— Mais où êtes-vous ? interrompit Marvel.

— Ici, à six mètres de vous.

— Allons donc ! je ne suis pas aveugle. Vous allez bientôt me dire que vous êtes du vent. Je ne suis pas de ces vagabonds ignorants…

— Soit ! je suis l’air subtil : c’est à travers moi que vous voyez.

— Ainsi, vous n’avez rien de matériel ? Une voix et, comment dirai-je ? des phrases… des mots… Est-ce cela ?