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L’HOMME INVISIBLE

I

UN ÉTRANGE VOYAGEUR


L’étranger arriva au commencement de février, un jour brumeux, dans un tourbillon de vent et de neige. Il venait pédestrement, par la dune, de la station de Bramblehurst, portant, de sa main couverte d’un gant épais, une petite valise noire. Il était bien enveloppé des pieds à la tête, et le bord d’un chapeau de feutre mou ne laissait apercevoir de sa figure que le bout luisant de son nez. La neige s’était amoncelée sur ses épaules, sur sa poitrine ; elle ajoutait aussi une crête blanche au sac dont il était chargé.

Il entra, chancelant, plus mort que vif, dans l’auberge et posant à terre son bagage :

— Du feu, s’écria-t-il, du feu, par charité ! Une chambre et du feu !

Il frappa de la semelle, secoua dans le bar la neige qui le couvrait, puis suivit madame Hall dans le petit salon pour faire ses conditions. Sans autre préambule, et jetant deux souverains sur la table, il s’installa dans l’auberge.

Madame Hall disposa le feu et alla préparer le repas de ses propres mains. Un hôte s’arrêtant à Iping en hiver, c’était une aubaine dont on n’avait jamais entendu parler. Et encore un hôte qui ne marchandait pas ! Elle était résolue à se montrer digne de sa bonne fortune.