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LA REVUE DE PARIS

t-il point, Stelio ? Il y avait une grande paix sur son visage et dans sa voix. Regarde aussi sa démarche.

Alternativement, une raie de soleil et une raie d’ombre touchaient la tonsure et le froc.

— Il m’a donné une écaille de pin, dit Stelio. Je l’enverrai à Sofia, qui a une dévotion pour le Séraphique. La voilà. Elle n’a plus l’odeur de la résine. Sens.

À l’intention de Sofia, elle baisa la relique. Les lèvres de la bonne sœur se poseraient là où s’étaient posées les siennes.

— Envoie-la.

Ils s’acheminèrent en silence, la tête penchée, sur les traces de l’homme pacifié, dans la rangée des cyprès chargés de cônes, allant vers la rive.

— Ne désires-tu pas la revoir ? — demanda la Foscarina à son ami, avec une timide tendresse.

— Oui, beaucoup.

— Et ta mère ?…

— Oui ; mon cœur s’en va vers elle, qui m’attend chaque jour.

— Et tu ne voudrais point retourner là-bas ?

— Oui, j’y retournerai, peut-être.

— Quand ?

— Je ne sais pas encore. Mais je désire revoir ma mère et ma sœur. Je le désire beaucoup, Foscarina.

— Et pourquoi ne pas y aller ? Qu’est-ce qui te retient ?

Il prit la main qu’elle abandonnait le long de son flanc. Ils continuèrent à marcher ainsi. Comme le soleil oblique les éclairait sur la joue droite, ils voyaient à côté d’eux s’avancer de pair sur l’herbe leurs ombres unies.

— Quand tu te représentais tout à l’heure les collines ombriennes, dit-elle, peut-être pensais-tu aux collines de ton pays. Cette image des oliviers taillés n’était pas pour moi une chose nouvelle. Je me rappelle qu’un jour tu m’as parlé de la taille… En aucune autre de ses œuvres, l’homme de la glèbe n’a un plus profond sentiment de la vie muette qui réside dans l’arbre. Quand il est là, devant le poirier, le pommier ou le pêcher, tenant la serpette ou le sécateur qui doit accroître les forces et qui peut causer la mort, de toute la sagesse acquise par lui durant ses longs colloques avec la