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s’évanouissaient subitement dans les nuits dorées et attiédies. On fixa, en conséquence, l’époque des fiançailles parmi les Djamala.

La tribu entière quitta les tentes. Des formes blanches et des formes noires où luisait l’éclat d’une arme, l’étincelle d’un regard, savouraient, à l’orée du camp, les délices du silence, des senteurs et des astres.

Les adolescents et les jeunes filles se réunirent autour de la fontaine, où bruissaient les amomes. Les amoureux, assis en cercle, chantaient tour à tour leur tendresse et leur espoir ; en face d’eux, les vierges debout et voilées accompagnaient, par le bercement lent de leur corps, la cantilène improvisée. Si le chanteur plaisait à la jeune fille, elle lui tendait son écharpe : alors, à l’aube prochaine, il la demandait en mariage aux hommes de sa famille.

Ismaël chérissait depuis longtemps sa cousine. Mais Nahima se savait belle et se plaisait à tourmenter ceux qui l’aimaient. Aussi avait-elle toujours écouté les aveux sans refuser et sans agréer personne.

Or, cette année, comme elle avait dépassé l’âge de la puberté, son père lui dit :

— Choisis ton époux, ou je te marierai de force.

Et Nahima rejoignit les amoureuses près de la source.


Lorsque vint le tour d’Ismaël, il ne chanta pas ; mais il tira des replis de sa robe son chalumeau coupé dans la lande. Et de ce frêle roseau s’exhalaient des sons ténus et sautillants, — souffle des plantes, souffle des parfums, — des notes plaintives et monotones, — voix du désert, voix des sables, — et cette musique brusquement quittée et longuement reprise, — harmonie incertaine, nostalgique, inachevée, — errait dans la nuit, voguait sur la brise, s’envolait vers les étoiles…

Alors toutes les vierges, oubliant leurs fiancés déjà élus, arrachèrent leurs voiles et les jetèrent au joueur de flûte. Nahima fit comme les autres : Ismaël releva l’écharpe de sa cousine et la glissa sur son cœur.

Le lendemain, Ismaël, devant les hommes de sa famille, demanda Nahima en mariage. On la lui accorda ; on égorgea un mouton et, pendant que de son sang chaud on