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Un beau matin, Ismaël trouva la petite fille toute parée. Avec des fleurs, elle avait tressé des girandoles pour ses oreilles et ses narines ; des couronnes de romarin, des colliers de myrrhe, des bracelets de thym s’enroulaient autour d’elle. Et dans cette enfant frêle, hâlée, aux grands yeux ardents, enguirlandée de verdures pâles et aromatiques, Ismaël crut voir la lande bédouine tout entière, la lande bédouine, stérile, brûlante, embaumée…

Il lui dit :

— Tu es jolie ainsi, tu es presque aussi jolie que Nahima, ta maîtresse, la fille de mon oncle.

Nourr, sous sa rougeur subite, ne sembla presque plus brune.

— Puisque tu ne cours plus avec les chamelles, donne-moi à boire.

Elle puisa dans l’aiguade et, l’outre sur son épaule, elle la présenta à son maître.

— Non, pas ainsi. Je veux boire dans ta main.

Elle emplit sa main creuse et la lui tendit ; mais quand il voulut y poser ses lèvres, elle se troubla si fort, que l’eau s’échappa entre ses doigts tremblants.

— Ô fille maladroite ! lui dit-il en riant. Quand Nahima m’offre à boire, elle ne perd pas une goutte.

Des larmes perlèrent aux paupières de Nourr ; brusquement elle se détourna d’Ismaël et, arrachant ses guirlandes, elle les jeta dans la source…


Un autre jour, il l’interrogea :

— Dis-moi, ô fileuse, que files-tu ?

— Je file pour ma maîtresse ; je file sa tente de noces.

— Sa tente de noces ? Bénie sois-tu, fileuse ! Et dépêche-toi, car, si Allah veut, ce sera aussi la mienne.

Le testi se rompit ; la quenouille sauta sur le sol, et Nourr eut aussi mal à son cœur que si, avec la quenouille, son cœur était tombé dans les ronces…

Quelque temps après, les fleurs mâles s’épanouissaient sur les tiges flexibles des palmiers. Les jours blancs et ardents