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à dormir ne se tourmente guère des événements jusqu'à l'heure où il faut les regarder en face et de près. Mais, une année, les paroles de Baloo se vérifièrent, et Mowgli vit toute la Jungle courbée sous une même loi.

Cela commença lorsque les pluies d'hiver vinrent à manquer à peu près complètement. Ikki, le Porc-épic, rencontrant Mowgli dans un fourré de bambous, lui dit que les ignames sauvages se desséchaient.

Tout le monde sait, il est vrai, que Ikki est ridiculement difficile dans le choix de sa nourriture et ne veut rien manger que le meilleur et le plus mûr. Aussi Mowgli se mit-il à rire, en disant :

— Qu'est-ce que cela me fait ?

— Pas grand-chose pour le moment, dit Ikki d'un ton inquiet en faisant cliqueter ses piquants avec raideur, mais plus tard, nous verrons. Plus de plongeons alors dans le trou de roche au-dessous des Roches aux Abeilles, Petit Frère ?

— Non, cette eau stupide est en train de s'en aller toute, et je n'ai pas envie de me fendre la tête, dit Mowgli, qui se croyait sûr d'en savoir autant à lui seul que cinq autres pris au hasard dans le Peuple de la Jungle.

— Tant pis pour toi. Une petite fente pourrait y laisser entrer un peu de sagesse.

Ikki plongea bien vite dans le fourré pour éviter que Mowgli ne lui tirât les piquants du nez, et Mowgli alla répéter à Baloo ce que lui avait dit Ikki. Baloo devint grave, et grommela à demi en lui-même :

— Si j'étais seul, je changerais sur l'heure de terrains de chasse, avant que les autres commencent seulement à réfléchir. Et pourtant — chasser parmi des étrangers, cela finit toujours par des batailles — et puis, ils pourraient faire du mal à mon Petit d'Homme. Il nous faut attendre et voir comment fleurit le mohwa1.

Ce printemps-là, le mohwa, cet arbre que Baloo aimait tant,ne parvint pas à fleurir. Les fleurs de cire couleur crème, un peu verdâtres, furent tuées par la chaleur avant même de naître ; à peine s'il tomba quelques rares pétales,