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LA REVUE DE PARIS

qui sont une race de pêcheurs et de marins, vivant surtout de la mer ; ainsi le centre de Tahiti, et celui de Nuka-Hiva, malgré une végétation admirable et des forêts pleines de fleurs, n’a jamais cessé d’être un silencieux désert. Mais, pas de forêts ici, à Rapa-Nui, pas d’arbres, rien ; des plaines dénudées, funèbres, plantées d’innombrables petites pyramides de pierre ; on dirait des cimetières n’en finissant plus.

Le jour se lève, mais le ciel reste très sombre, une pluie fine commence à tomber. Et nous avons beau avancer toujours, notre horizon demeure fermé de tous côtés par des cratères qui se succèdent pareils, avec la même forme en tronc de cône, la même coloration brune.

Nous sommes jusqu’aux genoux dans l’herbe mouillée. Cette herbe aussi est toujours la même ; elle couvre l’île dans toute son étendue ; c’est une sorte de plante rude, d’un vert grisâtre, à tiges ligneuses garnies d’imperceptibles fleurs violettes ; il en sort des milliers de ces petits insectes qu’on appelle en France des éphémères. Quant aux pyramides que nous continuons de rencontrer à chaque pas, elles sont composées de pierres brutes, que l’on a simplement posées les unes sur les autres ; le temps les a rendues noires ; elles paraissent être là depuis des siècles.

Voici cependant une vallée où la végétation change un peu ; il y croît des fougères, des cannes-à-sucre sauvages, de maigres buissons de mimosas, et aussi quelques autres arbrisseaux courts, que les officiers reconnaissent pour être d’essences très répandues en Océanie, mais qui là-bas deviennent des arbres. — Est-ce que les hommes les ont apportés ? ou bien vivent-ils ici depuis le grand mystère des origines, et alors pourquoi sont-ils restés à l’état de broussailles et dans ce recoin unique, au lieu de se développer comme ailleurs et d’envahir ?

***

Vers neuf heures et demie enfin, ayant traversé l’île dans sa plus grande largeur, nous voyons de nouveau se déployer devant nous les lignes bleues de l’Océan Pacifique. Et la pluie cesse, et les nuages se déchirent, et le soleil paraît. Vraiment