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t, tu es bon et généreux. Tu seras plus juste à l’égard de mon père ; il est si bon !

— Il n’est pas bon, mais débonnaire. Un temps fut où les oncles de vaudeville, dans le genre de ton père, tous fort hospitaliers et quelque peu originaux, avec leurs faces repues et bénévoles, m’amusaient et me faisaient rire, au théâtre ou dans la vie : à présent, ils me dégoûtent. Ils sont égoïstes jusqu’à la moelle des os. Ce qui me répugne le plus en eux, c’est leur mine rassasiée, leur optimisme purement stomacal, ou plutôt leur optimisme de porc à l’engrais.

Tania s’assit au bord du lit et appuya sa tête sur l’oreiller.

— C’est un véritable supplice ! — fit-elle ; et, à l’air dont elle parlait, on voyait qu’elle était bien lasse et qu’elle avait de la peine à s’exprimer. — Depuis le commencement de l’hiver, pas un seul moment de repos... Mais c’est affreux !... Mon Dieu, que je souffre !...

— Certes, je suis un monstre, et vous êtes, n’est-ce pas ? de petits saints, ton père et toi ; c’est l’évidence même ! répartit Kovrine.

Tania trouva le visage de son mari laid et désagréable. La haine et le sarcasme qui s’y peignaient n’étaient point pour l’embellir. Depuis longtemps, d’ailleurs, elle avait observé qu’il ne se ressemblait plus à lui-même. On eût dit que sa figure avait changé depuis qu’on lui avait coupé les cheveux. Elle eut envie de lui adresser quelque parole blessante, mais elle rougit de ce mauvais sentiment et quitta la chambre à coucher.

IX

Kovrine fut nommé professeur à la Faculté. Sa leçon d’ouverture fut fixée au 2 décembre, et cette date fut affichée sur les murs de la Faculté. Mais ce jour-là il fit savoir à l’inspecteur des étudiants qu’il ne commencerait pas son cours, étant malade.

Il crachait souvent le sang, mais il avait, deux ou trois fois par mois, de véritables hémorragies ; alors il deven