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— Je suis ravi, ma chère Tania, — dit Kovrine en mettant les mains sur les épaules de la jeune fille. — Je suis plus que ravi, je suis heureux ! Tania, vous êtes une personne adorable !… Ma douce Tania, que je suis heureux !

Il lui baisa les mains avec chaleur et poursuivit :

— Je viens de vivre des moments d’allégresse, des instants merveilleux et divins. Mais je ne saurais vous les décrire, car vous ne me croiriez pas ou vous me croiriez fou. Parlons plutôt de vous, ma chère, ma bonne Tania : je vous aime et je me suis fait une douce accoutumance de vous aimer. Vous avoir tout près de moi, vous voir dix fois par jour, m’est devenu un besoin. Je n’imagine même pas comment je pourrai me passer de vous lorsque je ne serai plus là.

— Allons donc ! fit Tania en riant. — Vous nous oublierez au bout de quelques jours. Nous ne sommes que des pauvres gens ordinaires, tandis que vous êtes un grand homme.

— Mais non… Parlons sérieusement, répondit Kovrine. Je vous emmènerai, Tania. Oui ? Voulez-vous partir avec moi ? Voulez-vous devenir mienne ?

— Mais voyons !… dit la jeune fille.

Et elle voulut rire encore, mais elle ne le put ; des taches rouges apparurent sur son visage et sa respiration se précipita. D’un pas rapide, elle se dirigea, non vers la maison, mais vers le fond du parc.

— Je n’y songeais pas… je n’y songeais pas !… disait-elle en se tordant les mains désespérément.

Kovrine la suivait, avec la même physionomie radieuse. Il disait :

— Je veux un amour qui me captive tout entier : cet amour, Tania, vous seule pouvez me l’offrir. Je suis heureux, pleinement heureux !

Elle était comme pétrifiée ; à la voir ainsi pliée en deux, le visage crispé, on eût dit qu’elle avait tout à coup vieilli de plusieurs années ; mais il la trouvait belle et il ne pouvait s’empêcher d’exprimer sa pensée tout haut :

— Comme elle est adorable !…