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— Voyez-vous cela !... murmura Kovrine ; — il y a donc une part de vérité dans la légende !...

Sans se donner la peine d’expliquer ce phénomène, satisfait d’avoir observé de si près et si bien, non seulement la robe noire du moine, mais encore sa figure et ses yeux, il revint à la maison, dans un délicieux émoi.

Il traversa le parc et le jardin : des hommes allaient et venaient ; la musique résonnait toujours dans la villa. Il était clair que lui seul avait vu passer le moine. Il avait envie de tout raconter à Tania et à son père ; mais il se dit qu’ils prendraient son récit pour une divagation et qu’ils s’en effrayeraient ; il valait donc mieux garder le silence. Très animé, il chanta, dansa, rit, pétilla de gaieté ; chacun lui trouvait une physionomie inspirée et radieuse, et des façons tout à fait séduisantes.


III

Après le souper, lorsque les invités furent partis, Kovrine se retira dans sa chambre et s’étendit sur le canapé : il avait envie de penser au moine. Mais une minute s’était à peine écoulée, que Tania survint.

— André, voulez-vous lire les articles de mon père ? dit-elle en lui tendant une liasse de brochures et d’épreuves. Il écrit fort bien.

— Ah ! par exemple !... — fit, en surgissant derrière sa fille, Yégor Sémionovitch avec un rire forcé.

Il semblait un peu gêné.

— Ne l’écoute pas, je t’en prie, et ne te donne pas la peine de lire cela... Tu le peux, d’ailleurs, si tu veux t’endormir : c’est un excellent narcotique.

— Moi. je trouve ces articles très bons, — répéta la jeune fille d’un air convaincu. — Lisez-les donc, et décidez mon père à écrire plus souvent. Il serait fort capable de rédiger un cours d’horticulture.

Yégor Sémionovitch devint tout rouge, et se mit à balbutier