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bûche, en secouant les oreilles... Les pendre, — ce ne serait pas encore assez !

Un peu calmé, le bonhomme pressa Kovrine contre son cœur et l’embrassa tendrement sur les deux joues.

— Eh bien, tant mieux, tant mieux !... murmura-t-il comme s’il reprenait la causerie interrompue. Je suis très heureux de te voir chez moi... Je te remercie.

Après quoi il poursuivit, de son allure sautillante et avec le même air affairé, l’inspection de son jardin. Il montrait à son ancien élève toutes les orangeries, les serres chaudes, les potagers et enfin ses deux ruchers d’abeilles qu’il appelait lui-même « la merveille de notre siècle ».

Pendant qu’ils marchaient de la sorte, le soleil s’était levé ; il éclairait maintenant le jardin de sa vive et chaude lumière. En prévoyant une longue journée claire et joyeuse, Kovrine songea que le mois de mai commençait à peine et qu’il avait devant lui toute la saison d’été aussi claire, aussi joyeuse et aussi longue : tout a coup il sentit son cœur dilaté par un sentiment de jeune allégresse, le même sentiment qu’il éprouvait dans son enfance alors qu’il jouait par les allées de ce jardin. A son tour il s’approcha du vieillard et l’embrassa avec effusion.

Aussi émus l’un que l’autre, ils rentrèrent à la maison et se mirent à prendre leur thé, servi dans une fine tasse en vieille porcelaine avec de la crème et d’excellents petits pains sucrés ; — et ces mêmes détails rappelèrent de nouveau à Kovrine ses heures d’enfance. Les délicieux instants qu’il revivait là et les souvenirs du passé qui se réveillaient en lui se fondaient ensemble et il en avait l’âme pleine, pleine à déborder, mais cela même lui faisait du bien.

Il attendit que Tania fût levée, prit une tasse de café avec elle et, après une courte promenade, se retira dans sa chambre pour étudier. Il lisait avec une attention soutenue, en se formulant des remarques ; de temps à autre il levait les yeux pour jeter un coup d’œil au dehors par la fenêtre ouverte ou admirer les vases de fleurs fraîches, encore humides de rosée, qui décoraient la table ; puis il se replongeait dans son livre, et il lui semblait que chacun de ses nerfs vibrait, frémissait de bonheur.