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LA REVUE DE PARIS

lande, dans le Statut constitutionnel de Sardaigne de 1848, imité de la charte de Louis-Philippe et destiné à devenir la loi fondamentale du royaume d’Italie, dans la constitution prussienne de 1848 copiée sur la Constitution belge, puis remaniée en 1850 sous sa forme actuelle.

Les colonies anglaises, à mesure que la métropole leur permit de se constituer des gouvernements autonomes, le Nouveau Brunswick, la Nouvelle Écosse, le Cap, le Canada dès 1841, les colonies australiennes s’organisèrent toutes à l’image de l’Angleterre avec un ministère responsable pris dans la majorité de la Chambre basse, le gouverneur tenant l’office de roi. Quand fut organisé le Dominion du Canada en 1867, l’institution, établie dans chacune des sept provinces de la fédération, fut introduite dans le mécanisme du gouvernement fédéral.

La théorie de la séparation des pouvoirs exclue des États monarchiques fit un dernier retour offensif en France au milieu du désarroi qui suivit la chute de Louis-Philippe. La Révolution de 1848 n’avait pas été faite en son nom, elle n’était pas la doctrine des vieux républicains qui avaient proclamé la république et organisé le gouvernement provisoire. Mais, respectée de l’opinion publique comme une formule associée à l’idée de liberté et recommandée par l’exemple de la grande république américaine, elle devint tout d’un coup le dogme des républicains de la Constituante. La Constitution de 1848 le proclama solennellement. « La séparation des pouvoirs est la première condition d’un gouvernement libre », (art. 19), et elle l’appliqua avec rigueur. « Le peuple français délègue le pouvoir législatif à une assemblée unique… le pouvoir exécutif à un citoyen, le président de la République. » Sauf le ministère responsable que la nécessité pratique obligea la Constituante à admettre, c’était le régime américain : les deux pouvoirs émanaient chacun directement du peuple souverain, ils devaient opérer séparément, sans prise l’un sur l’autre en cas de conflit. Le conflit éclata. Le duc de Broglie en avait indiqué les deux issues possibles : « Ou l’Assemblée enverra le président à Vincennes, ou le président chassera l’Assemblée à coups de baïonnettes. » Ce fut le président qui rompit l’équilibre des pouvoirs en faveur de l’Exécutif.