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sur la côte de californie

Une ligne conventionnelle partant de Yuma, où le Rio Colorado, sorti des sublimes horreurs du Grand-Cañon, se jette dans la mer Vermeille, et aboutissant à la baie de San-Diego sur l’océan Pacifique, sépare aujourd’hui la Basse-Californie restée mexicaine, de la Californie proprement dite, devenue yankee. La baie de San Diego fut la première conquête franciscaine. On organisa quatre expéditions pour s’y rendre. Un petit navire, le San-Carlos, partit du cap San-Lucas le 11 janvier 1769, portant vingt-cinq soldats. Il paraît, chose difficile à expliquer, qu’il lui fallut trois mois et demi pour faire la route. Un autre, le San-Antonio, mit à la voile le mois suivant. Par la voie de terre venaient le Père Crespi, accompagné du capitaine Rivera, et le Père Serra, escorté par le capitaine Portala. Le 11 juillet, la mission de San-Diego était fondée ; une grand’messe fut chantée en plein air, et la prise de possession se fit en grande solennité, au nom du roi d’Espagne.

Tout aussitôt, le Père Crespi et le capitaine Portala furent chargés par le Père Serra de pousser une reconnaissance dans l’intérieur des terres : il s’agissait de retrouver la baie de Monterey, découverte et décrite vers 1602 par Sébastien Vizcaino. Les deux voyageurs ne la trouvèrent pas ; ils errèrent le long des berges de la Salinas : c’était à l’automne. Dans la vallée roussie, les ground squirrels, ces gros écureuils gris qui ne savent pas grimper, jouaient gauchement ; des chênes très sombres tachetaient les collines aux nuances fauves et aux reflets cuivrés, formant un de ces paysages bizarres comme on en voit, sans y croire, sur les paravents japonais ; et le soir, l’éblouissante féerie des couchers de soleil charmait leurs regards et soutenait leur constance. Ils allèrent ainsi, apercevant peut-être quelques traces laissées par les tribus indiennes, bien que ces parages fussent peu fréquentés, mais ne rencontrant aucun obstacle sur leur route. Ils passèrent au pied des monts que couronne aujourd’hui l’observatoire de Lick et traversèrent la plaine où l’Université de Palo Alto étend le réseau de ses cloîtres de granit rouge. Puis, un beau soir, la baie de San Francisco leur apparut, cerclée de collines, à demi couverte par les brumes nacrées, avec ses îles et ses îlots, et les roches qui gardent son étroite et mystérieuse