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LA REVUE DE PARIS

qu'on entend comme à Noël dans les corridors, et par un déchainement de vents coulis qui semblent venir des apparte- ments de mes deux dames du palais et qui me chatouillent désagréablement les jambes pendant que je l'écris. Je ne crois pas que j'aille à la chasse, car je commence un rhume. Je compte reprendre la conversation sur Sibylle avec la princesse Czartoryska, qui reste aussi au palais. J'ai également une confé- rence avec la princesse de Metternich, qui veut organiser une charade pour la fête de l'Impératrice. Elle est venue à moi dès hier pour me faire part de ses projets. Le mot qu'elle a trouvé est « anniversaire ». Pour la première syllabe, ce sera :. ma sœur Anne. Pour la seconde : hiver: elle rêve que M. de Galliffet soit un homme qui tombe le ventre sur la glace et qui ne peut pas se relever. Pour la fin, serre et anniversaire confondus : elle présentera un bouquet de fleurs animées à l'Impératrice en chantant trois couplets, dont le prince, son mari, fera la musique.

— Et qui fera les vers? ai-je demandé.

— Vous, m'a-t-elle dit.

Et je les ai faits, et je dois les lui montrer tantôt.

Madame de La Bédoyère m'a présenté hier soir le mari de l'une de nos Anglaises, personnage intéressant qui m'a paru intimidé devant mon humble personne. Il s'est remis peu à peu et m'a conté un voyage qu'il a fait par-dessus les Mon- tagnes Rocheuses, à travers loules les prairies et tous les Indiens de Cooper. Parti de New-York avec vingt chevaux el vingt chasseurs canadiens, il est arrivé seul à pied en Cali- fornie, après avoir failli être scalpé plus d'une fois. C'est drôle de voir cet homme circuler tranquillement dans les salons, Il m'a pris en amitié et m'a fait promettre d'aller le voir à Londres, et d'apprendre l'anglais, car il n'entend pas le quart de ce que je lui dis, et il croit que lout ce qu'il n'entend pas est superbe.

Après quoi, j'ai prié M. de Clermont-Tonnerre de me présenter au ministre de l'Intérieur. La chose a été faite immédiatement. M. de Persigny m'a fait asseoir près de lui, dans le coin du canapé, et j'ai longtemps bavardé avec ce singulier bonhomme, qui tantôt semble distrait jusqu'à l'égarement, tantôt parle des choses les plus élevées avec une

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