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2 LA REVUE DE PARIS

Dès la gare, j'ai compris que notre fournée était une riche fournée. Jamais je n'ai vu ici tant de jolis visages à la fois. J'ai reconnu en montant en voiture mesdames Czartoryska, Walewska, La Bédoyère, Dumoncel, de Cadore, de Clermont- Tonnerre, etc., etc.

IL était quatre heures quand je me suis installé dans ma chambre, au coin du feu, les jambes en l'air, fumant de loutes mes forces pour tuer mon appétit trop précoce. Au bout de dix minutes, un chambellan de l'Impératrice, M. Hà- melin, est venu me dire que l'Impératrice m'invitait à prendre le thé chez elle à cinq heures.

Me voilà tout impatient de voir arriver ma malle et mon sac de nuil, n'ayant ni chemises, ni brosse, ni savon, ni gants, ni rien. Enfin Auguste parait, escorlé d'un Savoyard qui m'apporle un carlon à chapeau vide avec ce mot de con- solation que dans une heure j'aurai le reste. Je me fâche rouge. Je dis que l'Impératrice me fait demander. Le Sa- voyard se sauve et revient après vingt minules, m'apporlant la malle d'Auguste. Il était cinq heures passées. Je me décide à aller comine je suis, sans gants et avec des manchettes sales. Enfin, à cinq heures et quart, ma propre malle arrive. Je fais ma toilette en deux secondes ct, deux secondes après. j'enirais de mon pied léger chez ma souveraine. L'Impératrice m'a tout de suite parlé de Sibylle et des larmes qu'elle lui à données, puis elle m'a demandé de tes nouvelles. La conver- sation est tombée sur les tables tournantes que je croyais cnterrées. L'Impératrice, un peu mystique, se plait à ces émotions. Elle a voulu sur l'heure faire une expérience sur la sensibilité de son guéridon: nous voilà done assis autour du guéridon; M. et madame de Cadore élaient aussi de l'expé- rience. On ne s'appliquait nullement. J'étais un peu distrail, Cadore racontait, la petite marquise aussi. L'Impératrice disait : « Soyons sérieux », el ne l’élait guère: la table seule faisail bonne contenance et ne bougeuit pas. Tout à coup. l'mpéra- trice se lève en disant :

— Ah! voilà l'Empereur!

C'était l'Empereur, en effet, qui avait passé sa journée à sur- veiller les fouilles d'un camp de César dans les environs. IL m'a dit un bonjour amical, après avoir au préalable embrassé

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